Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 42.djvu/831

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remercirai la fortune de ses rigueurs, si, en me servant de prétexte pour vous offrir un hommage qui se seroit confondu avec celui du public dans des jours plus sereins, elles ne me font point encourir votre disgrâce et si j’apprends que vous n’avez pas dédaigné les assurances du respect avec lequel je suis, madame,

Votre très humble et obéissant serviteur.
Vergniaud.

Paris, ce 12 décembre 1776 (hôtel de l’Amérique, rue des Vieux-Augustins).


Cette lettre date de l’époque incertaine de la jeunesse de Vergniaud où, tout en étudiant la théologie à la Sorbonne, il sollicitait l’honneur d’être présenté à Thomas et tournait des vers dans le genre de ceux qu’on vient de lire. L’avoir écrite à vingt-trois ans n’est pas bien criminel, mais montre que le futur chef de la Gironde, « ce jeune homme honnête et qui n’était rien, » avait grande envie de devenir quelque chose.

La popularité de M. Necker était donc à son apogée lorsqu’il quitta le pouvoir assez brusquement par une démission moitié volontaire et moitié forcée. On en sait assez les causes. M. Necker était vilipendé chaque jour dans des pamphlets que son collègue Maurepas, bien revenu de ses anciens sentimens de bienveillance, encourageait secrètement. Le plus violent de ces pamphlets, qui avait paru sans nom d’auteur, venait d’être saisi, lorsque le lieutenant de police reçut la visite d’un personnage assez obscur, nommé Bourboulon, trésorier dans la maison du comte d’Artois, qui s’en déclara hardiment l’auteur. L’acte était audacieux et le scandale fut grand, car Bourboulon, en revendiquant la responsabilité d’un pamphlet qui pouvait le faire mettre à la Bastille, témoignait ouvertement qu’il se croyait assuré d’un puissant protecteur. Le comte d’Artois lui-même fut effrayé de tant d’audace et après avoir mis son trésorier en avant, il le fit désavouer par son chancelier M. de Montyon[1], qu’il chargea d’écrire à M. Necker la lettre suivante :


J’ai rendu compte à Monseigneur le comte d’Artois, disait M. de Montyon, du mémoire par lequel le sieur Bourboulon, son trésorier, attaque la vérité de l’état des finances du roy que vous avez rendu public par ordre de Sa Majesté. L’étude que j’ay faite depuis longtemps des objets discutés dans ce mémoire m’a convaincu que dans

  1. Il s’agit ici du célèbre philanthrope que, dans une étude récente, M. Fernand Labour nous a montré quelque peu âpre dans ses rapports avec ses tenanciers et assez justement impopulaire dans son domaine patrimonial.