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plusieurs articles sur lesquels j’ay des notions certaines, il est tombé dans des erreurs évidentes. Je l’ay fait connoître à Monseigneur le comte d’Artois, qui m’a chargé de vous témoigner son estime et son affection et de vous assurer qu’il apprenoit avec plaisir que le sieur Bourboulon étoit dans l’erreur.


Cette réparation à huis-clos ne parut pas, à juste titre, suffisante à M. Necker. Pour rétablir son crédit, que ces attaques tolérées et encouragées par le principal ministre Maurepas risquaient singulièrement d’ébranler, il crut devoir exiger une marque publique de la faveur royale. Il sollicita donc son entrée avec voix délibérative au conseil d’état, dont il était demeuré exclu jusque-là, et il faut avouer que c’était pour lui une situation singulière que d’être chargé d’un département aussi important que celui des finances, et de n’avoir pas accès au conseil, où ses projets pouvaient être discutés et battus en brèche. À cette demande si juste M. de Maurepas répondit que, s’il voulait avoir entrée au conseil, il n’avait qu’à changer de religion. C’était, à la fois une fin de non-recevoir et une insulte. M. Necker le comprit ainsi, et il adressa sa démission au roi par une lettre dont l’original, retrouvé dans l’armoire de fer, est aux archives nationales, et dont le texte a été pour la première fois publié par Soulavie :


La conversation que j’ai eue avec M. de Maurepas ne me permet plus de différer de remettre entre les mains du roi ma démission. J’en ai l’âme navrée. J’ose espérer que Vôtre Majesté daignera garder quelque souvenir des années de travaux heureux, mais pénibles et surtout du zèle sans bornes avec lequel je m’étais voué à la servir.


M. Necker n’essayait pas de dissimuler, dans cette lettre, la vivacité des regrets que lui causait la détermination à laquelle il avait cru devoir s’arrêter. Plus tard, ces regrets devaient se transformer en remords. De tous les actes de sa vie publique, cette retraite volontaire était le seul qu’il se reprochât. Il se demandait, après avoir été témoin, de tous les malheurs auxquels ses successeurs devaient conduire la monarchie, s’il n’aurait pas été en son pouvoir de prévenir ces malheurs, si le parti auquel il s’était arrêté s’imposait à lui, et si, avec plus de souplesse, de dextérité, de patience, il n’aurait pas pu, comme la reine le lui demandait, attendre la mort imminente de Maurepas, qui lui aurait laissé le champ libre. Mais ces reproches, que M. Necker s’adressait plus tard à lui-même, personne ne songeait sur le moment à les diriger contre lui, et c’était à la cour que l’on s’en prenait de sa chute. Plus encore que