l’Angleterre a entre les mains, qui a déjà traversé l’Atlantique et qu’on traduit dans toutes les langues ? Vous y trouverez une page d’histoire sous la forme d’une fiction et dans le cadre d’une biographie rapidement esquissée ; vous y trouverez la peinture d’une époque et d’un monde déjà disparus, le tableau animé, fidèle, complaisamment retracé, de la vie politique en Angleterre pendant les trente années comprises entre la mort de Canning, en 1825, et la chute du premier cabinet de lord Derby. Par discrétion ou par prudence, l’auteur arrête son livre et ses récits précisément à l’époque a laquelle il a commencé à jouer lui-même un rôle important. Nous assistons à la dernière période du régime parlementaire, de cette forme particulière et unique de gouvernement dont les autres nations n’ont connu que la contrefaçon, où le parlement était la force motrice, où il donnait l’impulsion au lieu de la recevoir et de la répercuter, où une classe dirigeante conduisait réellement les affaires publiques avec cette ténacité, cette unité de direction et cet esprit de suite qui n’appartiennent qu’au despotisme ou à une aristocratie héréditaire. Nous apprenons, presque sans nous en apercevoir, quelles transformations se sont graduellement opérées dans les idées de cette classe dirigeante, quelles forces nouvelles sont nées et se sont développées au sein de la nation anglaise ; quelle place elles ont conquise dans la politique et comment elles ont préparé la substitution d’un gouvernement démocratique au gouvernement parlementaire.
Qu’était-ce que ce gouvernement parlementaire et comment fonctionnait-il ? Écoutons la duchesse Zénobie, dont le mari occupe une des plus grandes charges de la maison royale, dont le salon est le quartier-général du parti tory et le rendez-vous quotidien de tous les hommes politiques et de tous les diplomates : « Que me parlez-vous, dit cette grande dame, de l’opinion publique en dehors du souverain et des deux chambres du parlement ? » La nation est donc mineure : le pouvoir appartient tout entier à deux forces : la cour et le parlement ; mais de ces deux forces, la première est purement nominale : la royauté conserve encore son prestige à cause de l’éclat et du luxe qui l’entourent et des faveurs dont elle est réputée la dispensatrice ; mais la rude main de sir Robert Peel, qui s’intitule lui-même le chef des gentlemen d’Angleterre, ne va pas tarder à dissiper cette illusion en enlevant à la souveraine jusqu’au choix de ses femmes de chambre. Le parlement est donc tout, et l’entrée au parlement est le privilège presque exclusif d’une seule classe : les propriétaires du sol. En dehors de la possession de la terre, point de considération véritable, d’influence sérieuse, de rôle politique durable. Les magnats de la grande propriété composent