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vraie, car, en histoire, ce n’est pas tout d’être savant, et même il se pourrait que ce fût peu de chose : il faut encore être artiste.

Il n’était pas facile, d’illustrer un récit déjà si parlant et si vivant lui-même. Le dessinateur provoquait une comparaison redoutable. Il y a des conteurs qui défient la transposition d’art. Peut-on dire que M. J.-P. Laurens ait toujours égalé la tâche qu’il s’était imposée ? Nous craignons qu’il ne soit possible de critiquer plus d’un détail dans les compositions que nous avons sous les yeux. C’est que les procédés modernes favorisent ici, comme un peu partout, une liberté qui va souvent jusqu’à l’incorrection. Cependant, malgré cette réserve, qu’il fallait faire, les six compositions de M. J.-P. Laurens ne laissent pas d’avoir beaucoup de caractère et de donner aux yeux une vive idée de la barbarie des temps mérovingiens. Nous signalerons entre autres le convoi funéraire de Chlother. M. Laurens ici s’est retrouvé tout à fait sur son terrain. Peu d’artistes, en effet, dans le temps oui nous sommes, ont su traduire comme lui l’image de la mort, avec plus de vigueur tragique et de lugubre émotion.

Nous n’avons pas besoin d’ajouter que l’impression typographique est, comme aussi bien dans toutes ces publications de grand luxe, digne de la maison Hachette.


Mémoires de Philippe de Commynes, publiés d’après un manuscrit inédit ayant appartenu à Diane de Poitiers et à la famille de Montmorency-Luxembourg ; par M. R.Chantelauze, 1 vol. gr. in-8o, illustré de 4 chromolithographies, et d’un grand nombre de gravures sur bois ; Firmin-Didot.

Parmi les livres d’histoire nous trouvons au premier rang la nouvelle et luxueuse édition des Mémoires de Philippe de Commynes, donnée par M. Chantelauze, d’après un manuscrit que M. Chantelauze, grand chercheur de documens comme on sait, et chercheur souvent heureux, a, sinon découvert, tout au moins, comme retrouvé sur les indications de M. Léopold Delisle. Ce ni est pas un manuscrit autographe, c’est au moins une excellente copie, dont on peut croire que la combinaison avec les autres nous nous fait approcher de bien près le texte authentique de Commynes. Aussi la valeur de cette publication ne serait-elle pas moins grande aux yeux même des érudits, qui lisent pour chicaner la position des virgules et des points sur les i, qu’aux yeux du public lettré, qui lit… pour lire et qui sait d’ailleurs que Commynes est parmi nos classiques l’un des premiers en date, je veux dire par là qu’il a su l’un des premiers, dans sa prose, traduire les idées générales ; par conséquent, l’un des premiers parler, comme nous, en parlons, des choses de la politique, de l’histoire et de la morale ; par conséquent encore, l’un des premiers, nous donner des modèles d’un style vraiment français, et ; non plus seulement, comme ses prédécesseurs,