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représailles et de destruction contre des ordres religieux déjà administrativement exécutés. Au fond, c’est un exemple de plus de cet esprit d’arbitraire auquel les républicains, qui sont les maîtres du jour, se laissent si complaisamment aller, qu’ils portent dans les finances comme dans la politique, dans l’interprétation des lois comme dans leurs prétendues réformes de la magistrature, dans le domaine des intérêts militaires comme dans les affaires de l’enseignement.

La question est de savoir quel profit peuvent recueillir les institutions nouvelles, quels avantages elles ont déjà recueillis d’un système qui ne tendrait à rien moins qu’à mettre la violence, les passions de combat là où tout était facile, à faire de la république le règne exclusif d’un parti en dehors de toutes les traditions libérales, modérées et conciliatrices. La vérité est que, jusqu’ici, cette politique, qui se proclame républicaine par privilège, n’a réussi qu’à semer l’irritation et le doute, à remuer plus de problèmes qu’elle n’en peut résoudre, et on peut se demander ce que M. Gambetta voulait dire hier encore lorsque, dans un discours retentissant adressé à l’Association polytechnique en pleine Sorbonne, il parlait de la « voie sûre » où marchent ensemble la démocratie, la chambre, le gouvernement, la nation tout entière, — « Oui, s’écriait-il avec une assurance superbe, cette nation est sur la grande route qui mène au but suprême, et à ceux qui me demandent ce que c’est que le but suprême, je répondrai qu’il ne peut y avoir d’équivoque ; le but suprême, c’est le progrès, dont la définition a été donnée par le philosophe éminent qui a tracé votre première charte. Qu’est-ce que le progrès ? C’est le développement de l’ordre… » Nous voilà bien renseignés ! qu’est-ce que cela veut dire ? que signifie ce progrès qui est le développement de l’ordre ? cherchez ce qu’il y a sous ce décevant éclat de langage, sous ces déclamations : la réalité, c’est l’esprit de violence et de guerre entrant jusque dans le budget, c’est la magistrature tout entière menacée, frappée de suspicion pour son indépendance, c’est l’enseignement de la jeunesse troublé dans des intentions de propagande, remué par des mains agitatrices. S’il y avait encore en tout cela des réformes sérieuses, même un peu hardies, mais enfin préparées avec une certaine vigueur d’intelligence et de réflexion, on pourrait discuter ; les réformes ne sont pas ce qui effraie les hommes sincères. Ce qu’il y a précisément de grave, c’est qu’on ne voit pas l’apparence d’une réforme un peu largement et impartialement conçue, c’est que tout se réduit à des procédés d’exclusion, à des déplacemens d’influences ou de personnes, à des expédiens pour s’assurer la domination ; tout prend aussitôt le caractère d’une œuvre de parti ou de secte.

Quel est le mot d’ordre de tous les changemens réalisés ou essayés depuis quelque temps dans l’enseignement public ? Il n’y en a qu’un,