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origine différente découlent les caractères les plus opposés. Avant de les décrire, examinons comment cette divergence s’est produite entre deux branches de la justice en un même pays.

La constitution rédigée en 1787 sous l’inspiration de Washington et de ses amis, après avoir fondé le pouvoir judiciaire des États-Unis, déclarait que les jugés tant des cours suprêmes que des cours inférieures « seraient nommés par le président, » avec l’assentiment du sénat. Les auteurs de la constitution, un instant portés vers le choix des juges par le sénat seul, avaient bien vite compris qu’il fallait donner au président de la confédération une initiative que réglerait le contrôle d’une assemblée élue. Ainsi le pouvoir exécutif, dans son expression la plus haute, choisit les magistrats qui interpréteront et appliqueront le pacte fédéral.

La constitution porte que « les juges conserveront leurs charges, tant que leur conduite sera bonne. » Elle proclamait en réalité l’inamovibilité. L’importance de ce principe n’échappait à aucun des hommes d’état qui l’avaient soutenu. A leurs yeux, c’était le fondement de l’indépendance judiciaire, le seul moyen d’assurer au pouvoir régulateur qu’ils entendaient créer dans l’état l’autorité suffisante pour contre-balancer les fluctuations des pouvoirs élus.

A l’imitation du gouvernement central, les différens états confièrent à des magistrats permanens l’administration de la justice. Dans les uns, le gouvernement et le sénat, dans les autres la législature seule choisissaient les juges des cours. Prenons comme termes de comparaison les deux extrémités de la hiérarchie judiciaire et suivans ce qui s’est passé depuis un siècle pour les juges de paix et pour les cours suprêmes de chaque état. Le pouvoir exécutif de l’état nommait les juges de paix, mais les candidats lui étaient présentés tantôt par la chambre des représentans, tantôt par les cours de comtés. Il est vrai qu’en deux états, la Géorgie et la Pensylvanie, les électeurs désignaient directement les candidats au gouverneur. Peu après, dans l’Ohio, le peuple fut appelé en 1802 à élire les juges de paix ; cet exemple ne fut suivi que très lentement, et trois constitutions particulières l’avaient seules imité, lorsque l’état de New-York se décida en 1826 à faire élire les juges de paix. Néanmoins, en 1840, il n’y avait que sept états qui eussent adopté ce système, lorsqu’un mouvement général se prononça en faveur de l’élection de 1840 à 1870. Plus de vingt révisions successives des constitutions locales eurent lieu afin de soumettre les magistrats inférieurs au suffrage populaire.

La durée des pouvoirs des juges de paix subit les mêmes influences : au siècle dernier, ils demeuraient en charge durant leur bonne conduite ; quelques constitutions avaient fixé le terme de leurs fonctions à sept ans, un plus petit nombre à cinq années. Peu