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respectueuse menace de cette mesure radicale, était de la fermeté habile et loyale.

L’effectif et les ressources dont la marine disposait ou Mexique se maintinrent donc à peu près les mêmes, et il n’y avait qu’à attendre, pour songer à quelque expédition sérieuse dans le sud, que l’agitation des terres chaudes eût été réprimée. Le commandant supérieur de Vera Cruz, le chef d’escadron Maréchal, opérait en effet du côté de Tlaliscoyan, lorsque la nouvelle de sa mort arriva tout à coup. Il avait été tué au passage d’une rivière que les dissidens, au nombre de huit cents, lui avaient disputé, L’ennemi avait été repoussé, mais les nôtres avaient eu vingt morts et vingt blessés et étaient rentrés dans un triste état. Il ne fallait pas beaucoup d’affaires de ce genre pour réduire à rien la petite force qui protégeait les environs de Vera-Cruz. Presque en même temps le maréchal écrivit au commandant Cloué qu’il renonçait définitivement à l’expédition de Tabasco.

Ce fut pour la marine une grande et bien cruelle désillusion. Mais il y eut pour son chef plus que le désappointement d’une ambition vulgaire. Quand on fait la guerre dans un pays, dès qu’on sort des grades subalternes et souvent même ne fût-on que simple soldat, on ne peut s’empêcher de juger, à part soi, le cours que suivent les choses, les événemens qui le modifient ou l’influencent. On voit vrai ou faux, mais on se fait une certaine idée des résultats possibles en agissant de telle ou telle façon que l’on pressent, que l’on redoute, que l’on désire, que l’on précipite enfin ou que l’on ralentit si l’on a sur ce qui se passe quelque action directe ou déterminante. En dehors d’une spéculation philosophique pure, il y a également les vues personnelles qui, chez les natures droites, ne faussent pas la conscience, mais l’inclinent cependant à voir la vérité dans ce qui est le but de leurs secrets et vifs désirs. Ainsi il est certain, par exemple, que lors de la campagne de Portugal, sous l’empire, le maréchal Ney, qui n’envisageait là, pour son compte, que des opérations militaires amener rondement, ne devait pas avoir dans la conduite de la guerre, dans ses rapports avec le pays, les mêmes tempéramens, les mêmes égards, les mêmes inconséquences apparentes que le maréchal Soult, qui se flattait tout bas de l’espoir d’une couronne. Or, au moment où l’expédition de Tabasco était abandonnée, il y avait au Mexique, au sujet des événemens qui pouvaient se dérouler encore, deux points de vue très différens. Il semblait, d’un côté, que la mesure indispensable à la consolidation du nouvel empire fût la soumission complète, absolue du Tabasco, du Chiapas et des environs. Là, en effet, dans le sud du Mexique, persistait une résistance très bien organisée et d’autant plus redoutable qu’elle n’avait