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ni excès, ni désordres. Les chefs dissidens du Tabasco, qui s’intitulait « état libre et souverain, » étaient aimés autant qu’obéis. A côté d’eux, la lagune de Terminos et la presqu’île de Carmen, qui s’étaient les premières déclarées pour nous, flottaient cependant, inquiètes et très près de se reprocher d’avoir fait une imprudence. Le Yucatan, qui n’aimait pas les Mexicains et que la crainte de nos armes avait seule converti à une adhésion très incomplète à l’empire, songeait moins, sous le commissaire impérial, M. Salazar llarrégui, à se montrer province empressée et fidèle qu’à s’ériger tout doucement, à l’exemple du Tabasco, en état indépendant. Le Tabasco réduit, tout le sud et l’est se soumettaient sans arrière-pensée, et les fermens d’agitation qui subsistaient dans le nord à l’état de menace continuelle tombaient du même coup. Il n’y avait donc pas à hésiter si l’on voulait de Maximilien pour empereur définitif.

Mais peut-être était-ce là le nœud secret de la question. Autant qu’il est permis de le conjecturer, si ce n’est de l’affirmer, il existait en même temps dans l’empire, à Mexico surtout, une autre opinion non avouée et que représentait un tiers-parti politique, non point partisan de Juarez, tant s’en faut, mais dissident à sa façon, et qui ne regardait point le choix de l’empereur comme ratifié sans retour par le pays et par les faits. Ce parti, loin d’être hostile à la protection française, l’acceptait et désirait la faire insensiblement et habilement dévier sur un autre protégé que l’empereur, s’il était prouvé, ce que l’on affectait de commencer à craindre, que celui-ci n’eût pas toutes les qualités requises pour régner sans conteste. Mais il fallait à ce parti un point d’appui en quelque sorte national, une pression légitime et respectable pour motiver l’évolution à laquelle il voulait entraîner la bonne volonté de la France pour le Mexique. Le Tabasco, dans sa longue et sérieuse résistance, paraissait offrir ce point d’appui. La plupart des chefs qui le gouvernaient étaient, on doit le dire à leur honneur, ennemis, sans compromis aucun, de l’intervention étrangère, mais quelques-uns, en relations avec le parti de Mexico, se montraient disposés à une combinaison qui préparât par des moyens amiables un dénoûment satisfaisant à la crise. Ceux-là, à un moment donné, pouvaient entraîner le sud à une manifestation qui eût demandé à la France un autre souverain que Maximilien. Quel eût été le souverain élu sous le coup de la nécessité, avec notre agrément et pour en finir avec des difficultés qui menaçaient de s’éterniser ? C’est ce qu’on ne disait pas, mais on caressait le maréchal, qui représentait la France, et on lui laissait entrevoir un grand rôle à jouer, une médiation suprême à exercer. N’était-il pas témoin des