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loisirs à des travaux de tricot ou de crochet. — La fête des régates n’en a pas moins jeté sur le port une masse de curieux. Des groupes compacts d’hommes et de femmes, paysans ou citadins, stationnent autour du mât de cocagne, devant l’estrade où la fanfare joue ses airs les plus ronflans. Tous les costumes de la Cornouaille y sont représentés. À côté des bérets et des cottes tannées des marins, les vestes des gars de Ploa-Ré, de Pont-Croix et de Loc-Rouan mettent des tâches de bleu clair. Les chapeaux ronds à larges bords et à rubans de velours s’agitent au milieu des coiffes de mousseline des sardinières, des fraises tuyautées de Quimper, des cols-capuchons de Châteaulin, ou des collerettes plissées et des coiffes aux ailes blanches des femmes de Concarneau. Çà et là, un homme de Pont-l’Abbé étale fièrement ses vestes superposées, où se détachent des lisérés de laine aux couleurs vives et parfois un saint ciboire brodé dans le dos. Les femmes de ce même bourg, dont la figure étrange rappelle le type lapon, portent les cheveux ramenés au sommet de la tête et maintenus par une étroite coiffure de doreloterie nommée bigouden. Leur toilette a une vivacité de couleur tout orientale : larges plastrons jaunes ou écarlates, corsages et manchettes soutachées d’argent, jupes vertes fleuries de broderies éclatantes. Au milieu de cette bigarrure de costumes, les enfans grouillent et s’ébaudissent : les filles, habillées comme de petites femmes, les garçons couvrant d’un béret bleu leur tête blonde frisée, et montrant leur peau hâlée par les trous de la chemise ou de la culotte en lambeaux. — Ici, les enfans pullulent. Pas une famille qui n’en ait huit ou dix. ; une fille ou un fils unique est montré comme un phénomène. Ils sont quasi amphibies, vivant dès le premier âge autant dans l’eau que sur terre ; on ne peut faire trois pas sans en avoir des douzaines dans les jambes ; effrontés, gouailleurs, quémandeurs, déguenillés, mais beaux, frais, sourians, avec des vivacités d’écureuils, de grands yeux bleus et des figures roses, joufflues.

Parmi ces bambins, les plus petits s’entassent pêle-mêle au bord de l’eau, contemplant avec une admiration jalouse trois gamins plus aventureux qui se sont installés dans des baquets et, armés de battoirs, godillent intrépidement dans le bassin. Des adolescens nus jusqu’à la ceinture se livrent à une distraction plus périlleuse et puis lucrative. À bord du Capelan, on a organisé un jeu qui consiste à aller décrocher des ceintures rouges, des vareuses et des cravates, pendues à un bout de vergue à l’extrémité d’un mât qui surplombe horizontalement au-dessus de l’eau. Les uns à chevauchons, les autres debout sur le mât savonné, s’avancent vers la vergue avec une sage lenteur. Leur torse grêle et grelottant oscille sur l’étroite rondeur du sapin. En voici un qui pirouette à