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et c’est le trésor fédéral qui supporte la perte. Si le gouvernement américain ne relève le titre de ses pièces d’argent, il ne pourra en accroître l’émission sans les déprécier, et il les verra toujours revenir dans ses caisses par l’acquittement des droits de douane et des autres taxes.

Nous craignons que les billets de 10 francs, dont le montant actuel est de 240 millions et qui tiendront par conséquent une place considérable dans l’approvisionnement monétaire de nos voisins, ne causent au trésor italien les mêmes embarras que le dollar d’argent au gouvernement américain. L’emploi des petites coupures est très onéreux à cause de leur détérioration rapide, qui oblige à les renouveler constamment, et, quelques soins que l’on prenne à cet effet, on ne saurait réussir à les rendre d’un usage commode et agréable. M. Magliani peut-il se faire l’illusion de croire que, lorsque les monnaies d’or auront reparu dans la circulation, il pourra être indifférent aux gens aisés, et surtout aux femmes, d’avoir dans leur bourse une pièce de vingt francs ou deux chiffons maculés et graisseux, quelquefois répugnans ? Il adviendra ce qui est arrivé en France, c’est que tout le monde s’empressera d’employer les petits billets aux emplettes de détail. Le commerce, ne pouvant qu’avec difficulté les faire accepter par ses meilleurs cliens lorsqu’il aura des appoints à rendre, s’en débarrassera à son tour en les portant aux caisses publiques. Le trésor italien verra donc les billets de 10 francs lui revenir sans cesse : il les remettra en circulation pour ses propres paiemens, mais, comme il ne les a pas exclus du droit à la conversion en or et en argent, comment empêchera-t-il qu’aussitôt après les avoir reçus au guichet des paiemens, on les présente au guichet des échanges pour demander des espèces métalliques ? Le ministre des finances doit donc s’attendre à ce que l’échange des billets de 10 francs absorbe une portion de sa réserve métallique assez forte pour lui causer de graves embarras, sinon pour compromettre le succès de son opération. Si, en maintenant en circulation une partie du papier monnaie gouvernemental, il a eu en vue de ménager son approvisionnement de métaux précieux, il aurait atteint plus sûrement son but en conservant les coupures élevées, indispensables aux opérations commerciales sérieuses, et qui se seraient présentées rarement à la conversion, plutôt que les billets de 10 francs, dont l’échange sera continuellement demandé.

L’exposé de motifs n’invoque qu’une seule raison pour justifier la préférence donnée par le gouvernement italien au maintien de ces petites coupures : ce serait la crainte que les billets de l’état, dont la convertibilité immédiate sera garantie par la