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loi, ne fissent une concurrence trop redoutable aux billets des six banques d’émission. Nous ne saurions imaginer d’argument plus fort contre la coexistence de deux papiers-monnaie d’origine différente. Ce serait un inconvénient grave que le discrédit relatif qui viendrait à frapper la circulation des banques italiennes et qui paralyserait entre leurs mains une force auxiliaire indispensable au commerce national ; mais il y avait un moyen bien simple de couper court à ce danger, c’était de s’inspirer des exemples des pays qui ont passé parle régime du cours forcé. Instruits par le souvenir des assignats français, les gouvernemens de France et d’Angleterre se sont gardés de créer un papier-monnaie de l’état : ils ont interposé entre eux et le public comme un contrôle et une garantie, l’un la Banque d’Angleterre et l’autre la Banque de France. Le gouvernement américain, en proie à d’inexorables nécessités, a dû créer un papier d’état ; mais il a annoncé et il exécute la résolution de le faire disparaître absolument. Pourquoi ne pas profiter de ces leçons ? pourquoi ne pas faire rentrer l’Italie dans les conditions où se trouvent les pays à grand crédit, et ne pas donner à sa situation économique une assiette solide et indiscutable en retirant la totalité du papier-monnaie ? Il ne s’agit que de 300 millions. M. Magliani a prévu lui-même que son emprunt de 630 millions pourrait se trouver insuffisant si les circonstances venaient à déranger ses calculs sur la marche de l’opération : il se fait donner par un article du projet de loi l’autorisation d’élever le chiffre de l’emprunt. N’était-il pas plus simple et plus logique de porter d’ores et déjà, sans hésitation et sans dissimulation, le chiffre de l’emprunt à 950 millions, payables 400 millions en or, 250 millions en argent et 300 millions en billets du consorzio ? Ce n’est pas 12 ou 15 millions de plus à assigner au service de l’emprunt qui aaraient fait disparaître les excédens budgétaires dont M. Magliani s’applaudit avec juste raison ; tout au plus aurait-il fallu ajourner quelques dëgrèvemens d’impôts, et on aurait eu l’avantage immense d’en finir d’un seul coup avec l’existence d’un papier-monnaie gouvernemental. Comme tous les états dont le crédit est indiscutable, l’Italie n’aurait plus connu d’autre monnaie fiduciaire que le billet de banque.

M. Magliani objecterait sans doute qu’à faire disparaître les 300 millions de papier-monnaie qu’il veut conserver, il créerait un vide dans l’approvisionnement monétaire de l’Italie. Nous lui répondrons par l’observation très sensée qu’il fait lui-même dans un passage de son exposé, « qu’un pays a toujours ou peut toujours se procurer la monnaie dont il a besoin. » Ce n’est jamais la pénurie des signes monétaires qui empêchera une bonne affaire de se