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périr d’inanition. Eux-mêmes, vêtemens et meubles couraient à la longue le risque de s’user et de se décomposer dans la tombe ; les dimensions du caveau ne permettraient d’ailleurs pas d’y déposer tout ce que l’hôte de la sombre demeure aurait plaisir à trouver autour de lui. Tout au contraire, les figurines funéraires étaient faites de la plus indestructible des matières, et les bas-reliefs, ainsi que les peintures, étaient comme incorporés aux épaisses murailles de pierre ou à la roche vive ; elles avaient toute chance de durer indéfiniment. De fait, elles se sont conservées, sans altération sensible, jusqu’à nos jours. Nous avons visité le tombeau de Ti peu de temps après que les chambres en avaient été dégagées, et déblayées. C’était merveille de voir combien formes et couleurs s’étaient gardées intactes et fraîches sous le sable ; on aurait dit que cette œuvre, vieille de quatre à cinq mille ans, venait à peine d’être terminée. A la gaîté de leurs tons clairs, avec leur contour si net et si fin, ces charmans bas-reliefs faisaient l’effet d’une médaille à fleur de coin.

De l’ancien au nouvel empire, ces scènes, empruntées à la vie quotidienne du peuple égyptien, n’ont pas cessé d’être figurées sur les tombes ; lorsqu’on a commencé à les y étudier et à les y relever, on en a proposé différentes explications. Les uns y ont vu comme une sorte de biographie illustrée du défunt, la représentation des actes qu’il a accomplis ou à l’accomplissement desquels il a présidé pendant le cours de sa vie mortelle ; les autres y ont cherché la figuration de la seconde vie, la peinture variée des joies et des plaisirs que les champs Élysées de l’Égypte réservent aux morts divinisés.

Ces deux interprétations n’ont pas résisté à un examen attentif et critique de ces tableaux ni au déchiffrement des inscriptions qui les accompagnaient. On s’aperçoit bien vite, par des comparaisons faciles à instituer, que ces scènes n’ont pas un caractère anecdotique ; il est très rare, quoique non sans exemple, qu’elles paraissent se rapporter à des circonstances qui soient particulières à tel ou tel personnage et qui le distinguent du reste de ses contemporains. Il y a bien telles stèles ou telles tombes où le mort parait préoccupé de dresser l’état de ses services, afin sans doute de retrouver dans l’autre monde sa situation acquise et d’y continuer le cours de ses succès et de ses honneurs ; c’est comme un dossier qu’il se prépare. L’inscription prend alors, dans une de ses parties, une couleur biographique ; il en est de même de la décoration de la stèle ou des parois. Comme exemple de ces textes narratifs, nous citerons la longue inscription d’Ouna, où nous est racontée la vie d’une sorte de grand-vizir des deux premiers rois de la