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Lacédémoniens ; » Sparte ne veut point avoir part à ces offrandes fastueuses qui proclament bien moins la gloire de la Grèce que son asservissement. Que vient faire le roi Agis à Siphante, où Pharnabaze et Autophradatès ont conduit leur flotte encore composée de cent vaisseaux ? Agis vient solliciter des satrapes de Darius un subside et un renfort de troupes. À ce prix, il promet de soulever la Crète et de mettre sur pied les armées du Péloponèse. Voilà bien le peuple de Lycurgue, ce peuple « lent dans ses entreprises, » que nous ont dépeint sous des traits ineffaçables Thucydide et Xénophon ! Il arrive toujours trop tard. A peine la trière d’Agis a-t-elle jeté l’ancre que survient la nouvelle de la bataille d’Issus. La défection éclate sur-le-champ de toutes parts ; les îles et les vaisseaux se portent à l’envi du côté du vainqueur. Agis et Autophradatès éperdus courent vers Halicarnasse ; Pharnabaze vole à Chio. Le satrape a mis dans cette île le pouvoir aux mains de l’oligarchie ; il vient défendre son œuvre. Apollonidès, Phisinus, Mégarée, investis par ses soins de la tyrannie, n’exerçaient leur autorité absolue qu’au profit de Darius, mais les habitans de Chio ont déjà secoué un joug qui leur pèse. Pharnabazs entre au port sans soupçonner le changement qui s’est opéré, il est à l’instant saisi par les insurgés et jeté dans les fers. L’Athénien Charès occupait Mitylène avec deux mille Perses ; il en est chassé par la multitude. A Méthymne également, à Ténédos, la démocratie a relevé la tête. Le tyran de Méthymne se réfugie à Chio ; il y partage le sort de Pharnabaze. Antipater triomphe sans avoir eu besoin de combattre ; les vaisseaux que les révoltés ont enlevés aux Perses se rangent sous ses ordres et viennent grossir sa flotte. Maître de la mer, le vice-roi de la Macédoine dirige Amphotère sur Cos ; il fait partir Hégéloque, avec les prisonniers qu’on lui a livrés, pour l’Égypte. Issus a tout calmé ; Issus a replacé la Grèce aux pieds d’Alexandre.

Qu’importent au fils de Philippe les vaisseaux qu’Antipater lui envoie ? Il n’a plus besoin, en ce moment, de vaisseaux ; ce qu’il lui faut, ce sont des soldats. Pour l’exécution des plans qu’il médite, Alexandre est bien résolu à épuiser d’hommes et l’Épire, et la Thrace, et la Macédoine ; il tient surtout à dépeupler la Grèce. Plus il demandera de renforts aux Grecs, moins il craindra de les voir, par quelque transport soudain, méconnaître sa suprématie. En fait de flotte, il va rendre à Antipater plus qu’Antipater ne lui a donné. L’Archipel infesté de pirates n’a-t-il pas droit à sa sollicitude aussi bien que le reste du monde ? Les Cypriotes et les Phéniciens reçoivent l’ordre d’équiper cent vaisseaux ; Amphotère joint ces cent vaisseaux aux soixante trières qu’il a conduites dans les eaux de Cos et reprend immédiatement la route des Cyclades.