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concours à cette œuvre ; elles inspireraient moins de défiance que les agens forestiers et triompheraient plus facilement des préjugés ou des résistances des paysans.

En attendant que ces améliorations naturelles se produisent, les montagnes continuent à se dégrader, malgré la loi de 1860, qui avait précisément pour objet de les restaurer, puisque par un inconcevable oubli, les auteurs de cette loi ont omis d’y comprendre la réglementation du pâturage. L’idée ne leur est pas venue qu’il fallait chercher à prévenir le mal là où il n’existe pas encore, avant d’y porter remède lorsqu’il s’est déjà produit. Laissant les troupeaux vaquer en liberté, ils ne les ont exclus que d’une partie des terrains compris dans les périmètres à reboiser, en fixant à un vingtième de la contenance de ceux-ci l’étendue maxima sur laquelle pourront annuellement être exécutés les travaux. Ces ménagemens excessifs ont porté leurs fruits, et pendant que sur certains points on parvenait, avec beaucoup d’efforts, à éteindre les torrens, il s’en formait de nouveaux sur d’autres points, si bien qu’aujourd’hui la situation est pire peut-être qu’en 1860. On ne saurait arriver à un résultat utile sans réglementer, le pâturage, et cette mesure a été reconnue si nécessaire qu’on l’a introduite dans le récent projet de loi soumis au sénat. C’est une mesure de salut public qu’il faut imposer aux populations sans se laisser émouvoir par les clameurs et les oppositions intéressées. Il ne faut pas perdre de vue que, si la diminution du nombre des troupeaux lèse quelques intérêts, ces troupeaux, eux-mêmes mettent à néant d’autres richesses bien autrement précieuses ; que ce n’est pas, comme on le dit, aux ressources du pauvre qu’on porterait atteinte dans cette circonstance, et qu’on se bornerait à mettre fin aux abus de ceux qui exploitent à leur profit les biens communaux. Des essais de réglementation ont, il est vrai, été tentés depuis 1860 ; mais, émanant de l’autorité préfectorale et dépourvus de toute sanction pénale, les règlemens sont le plus souvent restés une lettre morte. Le but à atteindre est l’institution d’une espèce de régime pastoral, jouant pour les pâturages-communaux un. rôle analogue à celui du régime forestier pour les forêts communales ; et c’est l’administration forestière seule qui est à même d’en assurer l’application, car seule elle a les moyens d’exercer un contrôle sur la fixation des taxes[1], sur le nombre des animaux admis, au parcours et sur l’état, des parties à y affecter.

  1. La diversité des taxes en usage est extrême ; celles-ci varient de 0 fr. 60 à 1 fr. pour les moutons, de 1 fr. à 1 fr. 25 pour les chèvres et de 0 fr. 75 à 1 fr. 50 pour les vaches ; il n’y a aucune règle à cet égard, et les conseils municipaux sont maîtres absolus, en cette matière.