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d’après les lois internationales, les Mexicains en armes qui franchissaient la frontière des États-Dais devaient être désarmés et internés par les Américains, qu’à bien plus forte raison, ceux-ci ne devaient tolérer aucun acte d’hostilité partant de chez eux, et qu’il fallait croire que le général Wetzel avait complètement ignoré ces infractions diverses à la neutralisé. La plus grande indiscipline régnait d’ailleurs parmi les troupes américaines. Un de leurs généraux venait d’être assassiné par un soldat noir. La politique, à en juger par des faits bizarres, flottait autant que la discipline. Peu de jours après l’arrivée de l’Antonia, un haut fonctionnaire des États-Unis venait trouver le général Méjia et lui exhibait des pouvoirs presque illimités, allant jusqu’à faire fusiller le général Wetzel. Il lui annonçait en outre qu’il aurait bientôt à lui communiquer des bases nouvelles pour La reconnaissance du Mexique par les États-Unis. Ce haut fonctionnaire ressemblait fort à un espion ou à un chevalier d’industrie ; mais la conduite tenue par le cabinet de Washington, que préoccupait l’ouverture du congrès, était en apparence si inconsistante qu’on accueillait les bruits les plus étranges.

Il était évident toutefois que les libéraux s’acharneraient à l’attaque de Matarnoros jusqu’à ce qu’ils fussent certains que la protection des Américains leur ferait défaut. Il y avait dans la ville, en numéraire et en marchandises, des sommes immenses, et ils se procuraient de l’argent en escomptant leurs espérances, sinon de pillage, au moins de possession. Il est vrai que ces perspectives surexcitaient la population commerçante, qui construisait et occupait des barricades, faisait des patrouilles et passait toute la nuit sous les armes. D’un autre côté, le maréchal faisait avancer ses colonnes. Celle du colonel d’Ornano se dirigeait sur Victoria, celle du général Jeanningros sur Montdava, afin d’opérer une diversion en faveur de Matamores. Malheureusement cette route de Victoria à Matamoros, extrêmement difficile, presque impraticable à cause des inondations, était de plus une espèce de désert sans ressources. Aussi le général Mejia était-il fort contrarié de la voir prendre aux troupes dans la crainte qu’elles n’arrivassent trop tard. Les libéraux précipitaient, du reste leurs attaques. Excessivement décontenancés pur la réussite complète du voyage de l’Antonia, ils avaient fait tentative sur tentative pour la prendre ou la détruire. La dernière tentative, le 11 novembre au soir, avait été la plus importante. Cinq embarcations et un chaland chargés de monde se laissèrent dériver sur l’Antonia, mais l’ennemi fut reçu à portée de pistolet par la mitraille et le feu des carabines. Les embarcations disparurent alors, soit qu’elles eussent été coulées, soit qu’elles se fussent abandonnées au courant. Le chaland s’échappa à l’aide