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ce n’est pas la sécurité qui lui manque pour vivre, pour choisir librement sa direction et sa voie.

Que manque-t-il donc aujourd’hui à la république, ou plutôt, puisque la république elle-même n’est pas en question, que manque-t-tii à ceux qui ont la prétention de la représenter, de parler pour elle, de l’administrer et de la faire vivre ? Il leur manque précisément de savoir mettre à profit ces circonstances de plus en plus favorables que leur créent le déclin et l’impuissance des partis hostiles, de se faire une politique proportionnée à une situation devenue plus régulière, de comprendre qu’on ne gouverne pas dans la victoire comme dans la lutte, et qu’on gouverne encore moins un pays tout entier comme un parti. Il leur manque d’entrer dans ce règne nouveau des institutions républicaines avec un esprit plus libre de fanatismes de secte, de préjugés vulgaires de parti, de passions exclusives, avec un sentiment plus précis et plus net de la nécessité des choses. Si l’on n’a pas ce sentiment et cet esprit, si l’on met la violence dans un pays paisible, les expédions révolutionnaires dans les lois, l’agitation stérile dans le parlement, on ne tarde pas à gaspiller la sécurité conquise, et l’on revient bientôt aux incertitudes, aux situations disputées d’où l’on se croyait sorti. M. Gambetta a dit l’autre jour, dans son discours de la chambre : « Pour répondre aux intérêts comme aux volontés de la France, il nous faut entourer la république que nous avons fondée d’institutions de plus en plus libérales, de plus en plus démocratiques, pour réunir tous les patriotes, tous les Français. » Rien de mieux ; mais il ne suffit pas de le dire, il faut le faire. Tout cela ne s’accomplit pas sans doute en un jour, et les élections qui vont se faire cette année auront vraisemblablement une influence décisive sur la direction, sur les vraies conditions de la politique de la France. Le meilleur moyen de se préparer à ces élections serait d’avoir une session utile, fructueuse et de ne pas commencer surtout par des discussions confuses qui, sous prétexte d’affranchir la presse, risquent de n’aboutir à rien, ou d’ajouter à d’anciennes incohérences de législation des incohérences nouvelles.

Où en sont aujourd’hui les efforts de la diplomatie de la France et de l’Europe ? pour détourner de nouveaux conflits en Orient, pour empocher que cette malheureuse difficulté des frontières helléno-turques ne trouble la paix du monde ? qu’en est-il de ce travail persévérant, jusqu’ici plus persévérant qu’heureux, entrepris par les plus grandes puissances pour résoudre un problème compliqué de tant d’intérêts et de tant de passions, pour arriver à concilier, dans la mesure prévue par le traité de Berlin, les ambitions de la Grèce et les résistances de la Turquie ? Déjà, au commencement de décembre, il y a quelques semaines, une première discussion s’est engagée dans notre parlement, au sénat et à la chambre des députés sur ces graves affaires sur ka participation de la politique française aux négociations orientales. On