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était alors en pleine délibération intime entre les cabinets, au début de cette proposition d’arbitrage qui venait à peine d’être conçue, qui n’avait pas encore échoué comme bien d’autres tentatives, et toutes les explications, tous les commentaires, devaient nécessairement rester un peu vagues. Cette discussion sur les difficultés orientales, sur la politique française, elle va se rouvrir un de ces jours prochains à la chambre, et cette fois non plus avant l’arbitrage, mais après l’échec avoué de l’arbitrage, non plus sur des données incertaines ou incomplètes, mais dans des conditions plus précises, sur une suite de faits et d’incidens éclairés par les documens que M. le ministre des affaires étrangères vient de rassembler. Le nouveau « Livre jaune, » qui paraît en ce moment même, a l’avantage de venir à propos et de reprendre le conflit turco-hellénique au point où l’avaient laissé les précédentes publications, à la veille de la dernière conférence de Berlin, de montrer, ce qui a été fait, comment cette négociation s’est engagée, comment elle, s’est un peu égarée en chemin ; il laisse voir suffisamment le rôle des divers cabinets, du cabinet français en particulier, les illusions ou les imprudences qui se sont mêlées à beaucoup de bonnes intentions, comme aussi les efforts sérieux et courageux tentés depuis quelques semaines par M. le ministre des affaires étrangères pour détourner des complications de plus en plus menaçantes, pour dégager dans tous les cas la politique de la France.

Cette affaire des frontières grecques, qui est devenue par degrés assez grave pour mettre en péril la paix de l’Orient et du monde, pour absorber toutes les politiques, on n’a certainement pas oublié comment elle est née. D’une manière générale, elle a sans doute son origine dans l’éternel antagonisme de la race hellénique et de la race turque se disputant ces contrées éclairées autrefois des premiers rayons de la civilisation ; diplomatiquement, elle a son point de départ dans le treizième protocole du congrès de Berlin « invitant » la Porte à négocier avec la Grèce une rectification de limites sommairement ébauchée, et dans l’article 24 du traité du 13 juillet 1878, prévoyant le cas où, à défaut d’une entente entre les deux états, l’Europe serait amenée à « offrir sa médiation pour faciliter les négociations. » La décision du congrès avait pour objet évident de favoriser la Grèce sans porter néanmoins atteinte à la souveraineté du sultan qui, au lieu de subir l’obligation formelle des cessions territoriales, comme pour la Serbie, le Monténégro et la Bulgarie, recevait seulement « l’invitation » de négocier sur une frontière nouvelle en Épire et en Thessalie. C’est là le point de départ précis et régulier. Des négociations ont été engagées selon le vœu du congrès, entre Turcs et Hellènes, elles se sont poursuivies à Prèvesa et à Constantinople. La Turquie a offert un tracé de délimitation qu’elle s’est naturellement efforcée de réduire le plus qu’elle a pu ; aux restrictions des Turcs, les Grecs, de leur côté, ont opposé des prétentions