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parti par la condescendance qu’il montrait pour ses adversaires. Le président faisait si bien les affaires des démocrates que, dans son propre état d’Ohio, il n’avait pu préserver ses amis personnels d’une défaite. N’était-il pas temps de l’arrêter dans cette voie ? ne devait-on pas mettre à profit le contrôle que le sénat exerce sur les nominations et sur la haute administration, et s’en servir pour tenir le président en échec ? Telles furent les questions que les sénateurs de la Nouvelle-Angleterre examinèrent entre eux sur l’initiative et soins la présidence de M. Blaine, lorsque le congrès se fut assemblé. Ce premier conciliabule fut suivi d’une réunion de tous, les sénateurs républicains, convoqués tout exprès pour arrêter la ligne de conduite à suivre vis-à-vis du président. M. Blaine, qui était l’âme de ce mouvement, se trouva, par suite d’une indisposition, hors d’état d’assister à cette réunion ; mais son collègue, M. Hamlin, se chargea de faire connaître sa manière de voir. La discussion fut orageuse : M. Conkling attaqua le président avec une extrême vivacité ; il fut appuyé par MM. Edmunds, Ogelsby, Howe, Mitchell et Wedleigh ; mais, à leur grande surprise, M. Hayes trouva dans MM. Christiancy, Hoar, Dawes et Matthews des défenseurs énergiques. Il fut bientôt manifeste que, sur trente-cinq sénateurs présens, dix au moins refuseraient de s’associer à la campagne projetée contre le président. M. Conkling n’avait parlé de rien de moins que de rejeter toutes les nominations faites par le président, à moins qu’elles n’eussent pour motif le remplacement de sujets frappés d’indignité. Moins absolu, M. Edmunds se bornait à demander qu’on ne confirmât point la nomination de M. Harlan, récemment appelé à la cour suprême, et quelques nominations qui avaient eu lieu pour les états du Sud. La minorité déclara résolument qu’elle ne permettrait pas à M. Conkling et à ses amis d’abuser de la majorité que les républicains possédaient encore dans le sénat pour créer un conflit permanent entre cette assemblée et le président : rien ne justifiait une pareille conduite, qui serait jugée sévèrement par l’opinion publique ; elle ne pouvait, d’ailleurs, avoir d’autre résultat que de contraindre M. Hayes, comme autrefois M. Tyler, à se jeter dans les bras de ses anciens adversaires et de mettre au service des démocrates l’autorité et l’influence de la première magistrature. En présence de cette attitude de la minorité, les meneurs abandonnèrent successivement toutes leurs propositions, et l’on s’arrêta de commun accord à une démarche à, faire auprès du président pour lui demander qu’à l’avenir, quand il s’agirait de pourvoir, dans le Sud, à des fonctions judiciaires ou ai des postes permettant d’influer sur les élections, il ne fit tomber ses choix sur des démocrates qu’à défaut de candidats républicains d’un caractère irréprochable.