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documens : quant aux faits de corruption, ils étaient innombrables. Les républicains réussirent à démontrer que les partisans de M. Tilden n’avaient pas été beaucoup plus scrupuleux que ses adversaires, et que M. Tilden lui-même avait fermé les yeux sur le trafic des votes quand il s’opérait en sa faveur. Mais la balance était loin d’être égale, et les faits établis à la charge du parti au pouvoir étaient à la fois les plus nombreux et les plus répréhensibles. Néanmoins, l’enquête, tout en faisant naître chez les honnêtes gens des sentimens de tristesse et de dégoût, et en ajoutant à l’espèce de déconsidération dont souffrent aux États-Unis les hommes qui se mêlent activement aux luttes des partis, ne produisit point le résultat que les démocrates en attendaient. Elle ne pouvait avoir aucune conséquence pratique, à moins de faire descendre M. Hayes du fauteuil présidentiel, c’est-à-dire d’opérer la révolution devant laquelle on avait reculé en février 1877. Aussi les hommes les plus considérables du Sud n’épargnèrent-ils aucun effort d’abord pour prévenir et ensuite pour arrêter cette enquête irritante et inutile. Le directeur général des postes, M. Kay, fit appel aux sentimens de conciliation de ses compatriotes. M. Alexandre Stephens, de la Géorgie, qui avait été vice-président de la confédération du Sud, alors presque mourant, adressa une longue lettre dans le même sens à ses anciens coreligionnaires politiques. Plusieurs législatures d’état protestèrent énergiquement contre toute tentative de revenir sur le compromis de 1877. Ce mouvement d’opinion acquit tant de force qu’il intimida les plus exaltés des démocrates, et la chambre des représentans jugea prudent de rassurer les esprits en déclarant, par une résolution spéciale, que les résultats de l’enquête ne pourraient, en aucun cas, avoir pour conséquence de porter atteinte aux pouvoirs du président Hayes, dont l’autorité avait reçu de l’adhésion du congrès une sanction définitive.

Ces luttes stériles, inspirées par la seule passion politique, eurent du moins pour résultat, en absorbant le temps du congrès, de faire perdre de vue et de rendre impossible le vote du bill destiné à rapporter le Resumption Act. On avait atteint les derniers jours du printemps sans avoir voté aucune partie du budget. Préoccupée de se faire bien venir des électeurs, la majorité de la chambre s’empressa de prodiguer les crédits pour les entreprises d’utilité publique : chemins de fer, canaux, lignes télégraphiques, endiguement des rivières, approfondissement des ports, tout fut si libéralement doté que les crédits demandés par le gouvernement se trouvèrent accrus de 16 millions de dollars, au grand effroi du ministre des finances qui avait, au contraire, invité le congrès à réduire les dépenses publiques de 11 millions de dollars, afin de