Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/972

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

travail conduit avec plus d’effervescence et d’esprit de parti que de méthode ? c’est le contraire de la politique qu’on devrait suivre pour arriver à un résultat sérieux et utile, répondant aux intérêts réels et aux vœux du pays.

Eh ! oui, sans doute, il y a des réformes de législation civile, politique, économique à poursuivre, des réformes vraies, préparées avec maturité, qui réalisent un progrès, qui ne créent pas des incohérences nouvelles en s’inspirant tout simplement d’une fantaisie ou d’une passion du moment ou d’une impatience de parti. Assurément avec toutes ces lois sur la presse que le passé a léguées, qui datent de tous les régimes, qui se sont succédé depuis soixante ans et plus en accumulant les contradictions et les aggravations, il y avait quelque chose à faire. Il y avait à les réviser à peu près complètement, à les coordonner et à les codifier dans une œuvre nouvelle, en élaguant les entraves inutiles et surannées, les répressions excessives, pour ne laisser subsister que les garanties et les responsabilités, qui sont la condition et la sauvegarde de toute vraie liberté. Même aujourd’hui, par l’esprit qui les a inspirées et par leur savante ordonnance, les lois de 1819 auraient pu encore servir de modèle.

La commission de la chambre y a bien songé, elle a bien essayé ce travail et elle y a consacré un temps assez long. Malheureusement, le jour où la discussion publique s’est ouverte, le projet de la commission, défendu pourtant avec habileté par un orateur nouveau, M. Agniel, ce projet à presque disparu dans un tourbillon. Les premiers articles ont commencé par être emportés d’un seul coup ; puis est venu le gros incident, un amendement de M. Floquet qui a bouleversé toute une partie de la loi, et la commission a été obligée de se remettre assez mélancoliquement à rajuster les morceaux de son œuvre mise en pièces. De nouveaux amendemens se préparent pour la seconde lecture, et l’adoption de ces amendemens, si elle est prononcée, nécessitera encore le remaniement d’un certain nombre d’articles. L’idée principale qu’on essaie de faire prévaloir dans la loi est de tout réduire à une question de droit commun, de supprimer les délits de presse, comme s’il n’y avait pas là quelque illusion, comme si la presse n’était pas une forme d’action toute particulière, susceptible, par conséquent, d’être soumise en certains cas à des Conditions particulières. En réalité, à force de vouloir étendre la liberté, on finit par la compromettre, et dans toutes ces protestations, dans ces plaidoyers sur la presse, il n’est pas sûr qu’il entre un grand respect pour elle, surtout un grand désir de la voir grandir en influence par la considération et la dignité. Ce qui est certain, c’est que des idées contradictoires ou différentes se mêlent, se croisent dans ce travail à bâtons rompus, à coups d’amendemens, et que de cette élaboration il va rester une œuvre, libérale d’intention sans doute, mais