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Dans quelque temps nous verrons cela, aujourd’hui je ne donnerai pas dans le piège. Attaché, comme je le suis, à une grande cause, à laquelle tient selon moi le salut de la religion, celui du roi et de la France, c’est avant tout de cette cause que j’ai à m’occuper.

« J’ai traversé, sans m’émouvoir, toutes les haines de la révolution ; j’ai traversé de même celles de Londres et de Coblentz ; je saurai en traverser d’autres. Je ne veux pas terminer cette lettre sans vous dire un mot de mon fameux plan de contre-révolution par les capucins. Le noble pair qui a produit cette allégation à la tribune ne l’a point abandonnée dans sa lettre au Journal des Débats. Il y a insisté de nouveau. Je vous ai dit que je ne comprenais pas M. de Fitz-James ; ici c’est moi-même que je suis tenté de ne pas comprendre. Voltaire a dit :

Souvent au plus grossier mensonge
Se mêle un peu de vérité.


« Je cherche dans ma pensée et dans tous mes souvenirs ce peu de vérité. J’ai eu beau interroger ce qui me reste de mes anciens amis de Londres en 1794; M. de Fitz-James avait à peu près alors dix-sept ans. Il y a quelque apparence que, lié comme je l’étais avec les personnes les plus graves, ce n’était pas aux jeunes gens de dix-sept ans que j’allais confier, quelque absurdes qu’ils pussent être, mes plans de contre-révolution. Alors comme aujourd’hui, plein de respect pour les prêtres pieux, pour les moines pieux, plein d’aversion pour les prêtres et les moines politiques, entendant souvent par les étourneaux de ce temps-là, comme par les étourneaux de ce temps-ci, prôner la nécessité de refaire la France par des légions de jésuites, il a pu m’arriver de demander la préférence pour des légions de capucins. Que quelque chose de semblable, entendu de travers, se soit logé de travers dans de jeunes têtes de grands seigneurs qui rôdaient quelquefois autour de nous, cela est possible. C’est pourtant ce que je ne puis en aucune manière ni affirmer, ni contrôler.

« Vous pouvez faire tel usage qu’il vous plaira de cette lettre. » Les amis de Montlosier la communiquèrent en effet et, pour parler le langage du Constitutionnel, cette capucinade dont on avait voulu se servir pour ridiculiser le vieux lutteur tomba dans le domaine des commérages. Mais le fond même du débat restait entier. Montlosier le sentait bien.

« Dans ce prétendu succès, écrivait-il le 17 mars à l’un de ses amis, rien n’est complet. Sans ce qui cause et accompagne les jésuites, je m’occuperais fort peu d’eux. La pensée de M. Portalis