Les échos n’en retentirent pas au-delà des oreilles de la bourgeoisie. Quand la Dénonciation succéda au Mémoire à consulter, les principes du Globe furent encore plus blessés. L’ultramontanisme était une opinion comme le gallicanisme, comme le protestantisme et le déisme, le droit de s’associer pour le triomphe de cette doctrine était inviolable, comme celui que M. Dubois et ses amis réclamaient pour la libre propagation de leurs doctrines philosophiques. La magistrature n’était et ne pouvait être juge que des actes. Est-ce qu’elle avait un rôle à prendre dans des querelles de science théologique et de divergence de principes? est-ce que les vieilles lois qui blessaient encore ses prérogatives sacrées n’avaient pas été de fait abolies par la charte nouvelle ? Ainsi pensaient les quelques adeptes éclairés qui s’étaient placés courageusement au-dessus des passions du moment.
Montlosier ne sentait pas assez, nous l’avons souvent fait remarquer, qu’il n’y avait plus de place pour le système des castes et des corporations. Pour ceux qui avaient bien lu son ouvrage de la Monarchie française, s’il poursuivait avec tant de rigueur le prêtre moderne, c’est qu’il voyait en lui un clerc rebelle au donjon ; c’est qu’il voulait faire prévaloir, même après la révolution, une sorte de privilège seigneurial.
Le jugement porté par le Globe tenait, au contraire, au seul principe qu’il avait pris mission de faire prévaloir en toutes choses, en science politique comme en littérature et en religion, c’est-à-dire la liberté pour tous. Il était facile, en effet, de voir qu’on s’éloignait peu à peu de la tolérance et qu’on rentrait dans les anciens préjugés en invoquant des juges de la conscience et des tribunaux de doctrine. Le Courrier français, dans un article du 2 août 1826, avait posé comme axiome, que là où il y a une religion d’état, l’état est juge. N’était-ce pas concéder avec ce système qu’un gouvernement pouvait faire des confessions de foi et être juge des opinions ? C’était en vertu de ce faux principe que Lamennais avait été traîné devant les tribunaux comme prévenu d’ultramontanisme. Il ne devait pas y avoir pour la loi de vérité religieuse unique. La loi n’était pas athée, comme l’avait dit M. Dupin ; mais elle était neutre, indifférente en matière de dogme. La guerre de doctrine qu’avaient faite les philosophes du XVIIIe siècle avait été bien autrement mortelle à l’intolérance que l’appel aux inquisitions d’état et aux textes d’une législation surannée. Alors même qu’on croyait triompher matériellement des croyances ultramontaines sur lesquelles s’appuyait l’entourage de Charles X et une partie de la droite de la chambre des députés, il fallait revenir en dernier ressort à la discussion, à la lutte des idées.