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Autrement, n’était-ce pas manquer de confiance dans les progrès de l’esprit humain?

A mesure que la dispute se prolongeait sur les jésuites, la liberté religieuse gagnait enfin du terrain dans les âmes. Le droit d’association, si difficile à conquérir, se dégageait; qu’il s’agît de carbonari ou de jésuites, de prêtres ou d’ouvriers, on arrivait, dans le milieu éclairé dont nous parlons, à ne plus considérer comme devant tomber sous le coup de la loi que le complot politique et les infractions de police. Il y avait loin de cette doctrine aux accusations de Montlosier, dont les plus fortes ne roulaient que sur des actes de foi.

C’était, il faut bien le reconnaître aujourd’hui, un tout autre esprit qui inspirait, le 17 mai 1828, M. Tanneguy-Duchâtel quand il écrivait :

« Le principe fondamental des gouvernemens représentatifs, c’est la liberté de la pensée et de tous ses modes de publication; la prédication religieuse est libre ; aucune autorité n’enchaîne la science; la discussion politique ne reconnaît d’autre limite que les bornes imposées par le besoin de protéger les droits des citoyens et de maintenir la tranquillité de l’état. Pourquoi donc, tandis que partout ailleurs la liberté règne, l’enseignement seul est-il esclave?»

Adversaire déclaré de tout ce qui pouvait ramener la France en arrière, ne voulant rien conserver des régimes abolis par les droits de l’homme et par la charte constitutionnelle, le Globe avait été souvent impopulaire ; souvent il avait effrayé même ses amis en proclamant les droits d’ennemis qui ne respectaient pas les droits des autres; mais il voyait clairement que la cause de l’avenir ne pouvait être désormais que la cause de la liberté. Elle était tôt ou tard le seul remède efficace au mal, et c’était elle qu’il fallait fonder à jamais.

Lorsque la pétition de Montlosier fut discutée à la chambre des pairs, tout en rendant justice à la vigueur avec laquelle le noble vieillard poursuivait une guerre qu’il croyait juste, M. Dubois, au nom de ses collaborateurs, avait été sensible au reproche de niaiserie prodigué aux partisans sincères et consciencieux de la liberté. Il n’avait pu se décider à accepter ce qu’il considérait comme une injure tant qu’on ne lui aurait pas prouvé rationnellement que le droit commun ne devait pas être le but de la société moderne. Lorsque la décision de la chambre des pairs sur cette question des jésuites, qui avait valu au Globe tant d’inimitiés, fat connue, il publiait le lendemain ces lignes courageuses :

« Nous ne nous croyons pas battu; nous avons soutenu un principe éternel. Quelques écrivains qui nous ont combattu avec plus d’amertume que de raison, nous reprochent aujourd’hui avec une