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Ce qui a beaucoup contribué à la popularité de Callot, ce sont les aventures de son enfance, c’est le patriotisme de son âge mûr. À douze ans (1604), il s’enfuit de la maison paternelle et se dirige vers l’Italie. Mais il est bientôt à bout de ressources et il se joint à une troupe de bohémiens qui allait à Florence et dont plus tard il retracera les habitudes dans quatre pièces, sur l’une desquelles on lit : « La bande ne porte rien que des choses futures. » À Florence, il est remarqué par un officier du grand-duc de Toscane, qui le fait entrer da.is l’atelier d’un graveur, et, quelques mois plus tard, on le trouve à Rome, d’où, reconnu par des marchands de Nancy, il est ramené à ses parens. Une nouvelle incartade le conduit à Turin, mais son frère aîné l’y rencontre et le reconduit encore une fois sous le toit paternel. L’Italie cependant l’attirait trop puissamment pour qu’il n’y retouriiàt point. Il n’avait que seize ans quand il obtint d’accompagner à Rome l’ambassadeur qui allait notifier au pape l’avènement d’Henri II au trône de Lorraine, et, après avoir séjourné deux ans à Rome, il ne resta pas moins de dix ans à Florence, où ses pi ogres constans dans son art lui conquirent, avec la faveur de Cosme II, la gloire et la fortune. Son amour pour l’Italie ne l’empêcha pas de regagner Nancy en 1622 et de Vouer à son pays natal une tendresse virile. Le mariage du frère de Louis XIII avec la sœur de Charles IV ayant servi de prétexte à Richelieu pour envahir la Lorraine, et Richelieu ayant extorqué par surprise, à la suite d’un court investissement, la remise de la capitale du duché, Callot refusa au roi de France de graver le siège de Nancy. « Sire, répondit-il à Louis XIII, je suis Lorrain, et je crois ne devoir rien faire contre l’honneur de mon prince et de mon pays. » Et comme certains courtisans lui disaient qu’on saurait bien le contraindre à obéir, il les réduisit au silence par cette exclamation : « Je me couperais plutôt le pouce ! »

Célèbre partout pour ses gravures, Callot ne mérite guère moins d’être admiré pour ses dessins. On y retrouve la même finesse, la même verve, la même originalité d’imagination, la même hardiesse de main, la même entente des effets pittoresques. Le musée des Offices en possède un grand nombre. Il y en a aussi au Louvre de charmans, entre autres celui d’après lequel a été gravé le portrait de Claude Deruet. La collection Albertine, à Vienne, est également bien partagée depuis qu’elle a acquis l’album dont M. Thausing, le savant conservateur de cette collection, nous donne aujourd’hui le catalogue descriptif, accompagné de cinquante croquis. Cette publication, faite avec un grand luxe, sera, nous n’en doutons pas, favorablement accueillie en France. Sans parler des mérites du texte, écrit en français, la beauté da papier, la netteté des caractères et la perfection des héliogravures, font de cet in-folio, tiré seulement à trois cents exemplaires, un de ces livres en compagnie desquels on aime à se délasser l’esprit et qui contiennent pour les artistes plus d’un enseignement.