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nouveautés l’agitation et le trouble; en réunissant la philosophie à l’éloquence, Ramus prétendait adoucir la difficulté des études et en abréger la durée. Les écoliers y voyaient un attrait, les parens un avantage, et l’Université, au contraire, un inconvénient insupportable, aussi préjudiciable à ses intérêts que pernicieux pour les jeunes esprits. On se plaignait, depuis longtemps déjà, de la mollesse des études. Peu d’écoliers accomplissaient les trois années et demie de philosophie, formellement prescrites; les plus pauvres seulement, c’est-à-dire les boursiers, se soumettaient à une exacte et complète discipline ; les enfans des familles riches s’échappaient avant la fin des classes, pour se parer dans le monde d’un savoir imparfait trop rapidement acquis, et ceux qui, pour en faire profession, voulaient devenir théologiens, jurisconsultes ou médecins trouvaient des artifices pour éluder la règle et s’y soustraire. Offrir à la jeunesse des études rapides, c’était la pousser dans la voie que, par tous les moyens, l’Université voulait interdire.

Par une décision jugée inique on avait exclu des examens les écoliers du collège de Presles. C’était la ruine de Ramus et la fortune, peut-être, des collèges rivaux, dont le plus important alors était Boncours. « Interrogez-nous, sévèrement si vous voulez, nous prouverons notre savoir, » disaient les élèves de Ramus.

C’est, on le voit, dès le XVIe siècle, la question des programmes et des certificats d’étude, discutée encore de nos jours. Nous rencontrons la même prétention, d’un côté, à imposer la meilleure voie, la même aspiration ; de l’autre, à la liberté, le même appel à l’équité, la même protestation du bon sens.

A l’époque, récente encore, où les candidats au baccalauréat devaient, par un certificat d’études, faire la preuve d’une année de rhétorique et d’une année de philosophie, aurait-on accepté d’un écolier cette offre, si raisonnable en apparence, des élèves de Ramus : « Interrogez-moi, je prouverai mon savoir?» Aussi sévère que Charpentier et tout aussi innocent, le doyen de la Faculté aurait repoussé, peut-être même laissé sans réponse, une demande dont la décision ne lui appartenait pas.

Le recteur, pendant la courte durée de ses fonctions, présidait, au couvent des Mathurins, la haute assemblée de ses anciens maîtres qui l’avaient fait leur chef. C’est là que les doyens, principaux de collèges et régens, probablement unanimes, condamnaient les innovations de Ramus. Charpentier avait accepté leur mandat, il ne pouvait le trahir.

Les magistrats juges de Ramus étaient prévenus et défians. Nourris dans l’école, ils en aimaient les subtilités; fiers de connaître, le prince des philosophes, ils respectaient son autorité. Ramus les avait mal préparés en sa faveur en écrivant, dans la vivacité