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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/309

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avait changé de foi. Le scandale s’accrut lorsqu’à la lecture d’un décret autorisant l’exercice du nouveau culte, il fit disparaître, en les détruisant, dit-on, les images sacrées dans la chapelle et dans les salles de son collège. Ramus, enfin, avait mêlé à sa conversion un aveu au moins inutile. La dispute du colloque de Poissy, entre le cardinal de Lorraine, son ami, et l’éloquent Théodore de Bèze, avait décidé de sa foi. Mais, dialecticien subtil et critique sévère, dans le discours du champion de la réforme il blâmait la méthode, contestait plus d’une majeure et n’acceptait que la conclusion. Par une épigramme plus facile que piquante, dans une lettre à celui qu’il nommait son Mécène, il attribue sa conversion, non à Théodore de Bèze, mais à la réponse trop faible du cardinal. En fallait-il davantage pour perdre une amitié jusque-là dévouée? Faut-il s’étonner qu’à l’occasion d’une chaire offerte par l’Université de Bologne, son ancien protecteur lui ait répondu : « Pars, délivre de toi la France que tu troubles, mais je plains l’Italie, si tu ne changes pas d’esprit en même temps que de ciel ? »

Les ministres protestans n’aimaient guère le nouveau converti, qui prétendait sans cesse leur faire la leçon. Les deux lettres que Bèze lui écrivit, dit Pierre Bayle, prouvent que leur amitié était petite.

Toujours ardent pour le progrès, Ramus, en 1562, avait présenté au roi, sous le nom « d’Avertissement, » un mémoire sur la réformation de l’Université de Paris, qui sans doute augmenta le nombre de ses ennemis, Il faut diminuer les frais d’étude: telle est la thèse qu’il soutient. Il voudrait que la « seule et légitime dépense d’un escholier soit d’avoir vécu, de s’estre entretenu d’accoustremens, d’avoir acheté livres, d’avoir travaillé, veillé et passé les nuicts entières. »

En l’année 1494, un arrêt de la cour ayant fixé à la somme très minime de « vingt-huict escus » tout le salaire que peut devoir le disciple à son régent, depuis le commencement jusqu’à la fin du cours de ses études, qui, pour être complètes, dévoient durer douze ans, la faculté de théologie résista. L’auteur de cette réformation fut accusé d’hérésie, et « le parachèvement de la louable entreprise resta en suspens. »

Le mal, suivant Ramus, vient du trop grand nombre des maîtres et de « la desbordée multitude de lecteurs que sans aucun jugement, sans aucune charge, l’on a reçus aux escoles, lesquels, moyennant qu’ils aient acquis nom et degré de maistre, tant les ignorans que les scavans, ont entrepris de faire mestier d’enseigner. Le nombre des maistres est multiplié, celui des estudians est demeuré mesme, et, pour ce, il a fallu rançonner les escholiers. » C’est, on le voit, la guerre déclarée à l’enseignement libre. En plaignant la