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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/316

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La violence et l’audace peuvent, on le voit, s’accroître encore.

Quand vint cette loi d’amnistie, appelée vulgairement édit de pacification, nous étions tous dans le deuil ; vous, caméléon, vous vous réjouissiez.

Quelle fureur en apparence, et quelle intolérance! S’attrister d’un édit d’amnistie ! Repousser la pacification ! Afficher la haine de la concorde ! N’est-ce pas le fait d’un mauvais citoyen? Cela serait vrai si la loi d’amnistie avait mieux répondu à un si beau titre. Quand Charpentier dit : « Nous étions tous dans le deuil, » quels sont les compagnons qu’il se donne?

C’est d’abord l’Université de Paris, qui ne tenait pas alors un petit rang dans l’état, et dont Du Boulay renonce à décrire la stupeur.

C’est le parlement de Paris, qui protesta par d’énergiques remontrances.

C’est celui de Toulouse, qui condamnait le sieur Rappyn, maître d’hôtel de Mgr le prince de Condé, en haine de la paix dont il portait la nouvelle, et qui le fit misérablement mourir.

C’est le cardinal de Lorraine, qui écrivit à M. de Guise une lettre signée de lui et du duc d’Aumale, contenant ces mots : « Qu’il ne luy a pas esté possible d’empescher la conclusion de la paix, mais qu’il en empeschera bien l’exécution. »

C’est l’amiral Coligny, qui, six mois après, écrivait au roi : « Je puis dire avec vérité que le temps qui est aujourd’huy est plus pernicieux et dommageable que le temps d’une guerre ouverte. »

Ce sont les catholiques, reprochant à ceux de la religion d’avoir, dans maint endroit, à la faveur de l’édit, détruit et brûlé des images, comme a fait Ramus.

Ce sont les huguenots qui répondaient : « Si l’on a brûlé les images, elles n’ont pas saigné comme nos corps navrés et occis. »

Le roi, au plus fort du bouleversement universel, avait ordonné à ses sujets de se réconcilier sous peine de vie, de s’entre-aimer comme frères, oubliant toutes querelles, vivant tous ensemble en union et concorde, renonçant, à cette fin, à toutes alliances, toutes intelligences, pratiques, entreprises, monopoles, ligues et associations, tant dehors que dans le royaume, a Que la mémoire de toutes choses passées, d’une part et d’autre, dès et depuis les troubles advenus dans le royaume et à l’occasion d’iceux, demeure éteinte et assoupie comme de chose non advenue. » Comme si, disent des auteurs du temps, catholiques ou protestans, je n’en ai pris note, a le feu éteint, il n’y avoit plus nulle chaleur sous la cendre, que les armes posées, la haine aussitôt fût morte, et qu’il n’y eust quelque demourant d’esmotion après la fiebvre. »

La peine capitale pouvait être prononcée sans appel et appliquée