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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/371

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et inspiraient autour d’eux une terreur telle que nul de ceux à qui ils s’adressaient n’osait les dénoncer au directoire départemental. Déjà les royalistes étaient prêts à occuper Bannes et Bernas ; déjà, dans Saint-André-de-Cruzières, dans Naves, dans le Folcherand, l’autorité du comte de Saillans s’exerçait souverainement, et les autorités locales en étaient à se demander si les rumeurs qui faisaient allusion aux mouvemens royalistes étaient fondées. C’est à un incident inattendu qu’elles durent de connaître la vérité.

Ainsi qu’on l’a vu, le château de Bannes était occupé militairement Au commencement de l’année, la famille du Roure, à qui il appartenait, l’avait abandonné, n’y laissant que son chargé d’affaires, un notaire nommé Fabrégat. Les royalistes s’y étaient alors installés. Se croyant inexpugnables dans cette forteresse plantée sur Is roc, ils avaient fabriqué des balles avec les plombs des vitres puis tiré des coups de fusil sur les passans, aux cris de : « Vive le roi ! » Le district de Joyeuse s’était empressé d’envoyer deux brigades de gendarmerie et une compagnie du 59e pour les en expulser Cette petite garnison y était maintenant installée sous les ordres de deux officiers de gendarmerie, le capitaine de Bois-Bertrand et le lieutenant Roger. Elle s’efforçait de maintenir le calme dans le pays. Mais elle n’osait étendre son action au-delà d’un rayon très restreint, se sentant menacée par une force invisible et mystérieuse dont elle devinait l’existence sans pouvoir la saisir.

Le 1er juillet, un habitant d’un des hameaux de la commune de Bannes vint porter plainte à la gendarmerie cantonnée dans le château et déclarer que, durant la nuit, les arbres de son jardin avaient été coupés. Le lieutenant Roger, après avoir pris les ordres de son capitaine, se rendit sur les lieux afin de procéder à une enquête. Elle ne lui révéla rien quant au fait signalé, mais elle lui permit de constater qu’un nombreux rassemblement avait lieu a Saint-André-de-Cruzières, à quelques kilomètres de là, et que des hommes d’allures suspectes étaient réfugiés dans l’une des maisons de ce village. Il s’y transporta le lendemain avec un piquet de gendarmerie, trente hommes de la ligne, et quinze gardes nationaux de Berrias. Son entrée dans le village fut le signal d’un trouble extrême. De la maison vers laquelle il se dirigeait sortaient en fuyant une foule de gens. Il parvint à faire quelques prisonniers, dont il fouilla les poches. Dans celles de l’un d’eux, il trouva des papiers et les lut. Ils lui parurent si graves qu’il s’empressa de les envoyer aux autorités départementales en permanence à Joyeuse. Puis il retourna au château de Bannes.

Le lendemain, à la pointe du jour, le capitaine de Bois-Bertrand entendit sonner le tocsin et battre la générale. Bientôt il vit apparaître, marchant vers le château dont il avait la défense, une bande