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la franchir qui pouvait à toute heure s’imposer à lui, n’avait pas trop du petit corps d’armée dont il disposait. Il n’en pouvait, il n’en voulait rien distraire ; il fit partir cependant avec des ordres en blanc deux maréchaux de camp réunis autour de lui, le général de Chateauneuf-Randon et le général d’Albignac, en les autorisant à prendre sur leur route les troupes qui lui étaient destinées et à s’en servir contre l’insurrection, à la condition de les lui renvoyer dès qu’elle serait dispersée. Il écrivait en même temps au directoire de l’Ardèche :

« Vous aurez du canon, du courage, et je crois que M. de Saillans est un étourdi qui s’est montré trop tôt. Il faut bien vite balayer ces gens-là et vous mettre en état de remettre en marche les régimens qui sont destinés à Tourneux, de peur que le roi de Sardaigne n’y arrive avant nous. »

Le lendemain, sur une demande d’armes qui lui parvenait de Nîmes, il adressait au directoire du Gard cette lettre qui trahit son embarras et ses angoisses :

« Ayez, je vous prie, égard à ma position. J’ai à armer quinze nouveaux bataillons et l’augmentation de tous les autres. Je n’ai d’autre ressource que de ramasser tous les vieux fusils et de les raccommoder. C’est ce que je fais faire partout. M. d’Anselme m’en demande pour la défense du Var, et je ne peux lui en donner. Plaignez-moi donc et faites-moi la grâce de ne pas insister. J’espère que vous serez venu à bout des brigands de M. de Saillans. J’en attends des nouvelles avec impatience. Il est question dans ce moment d’un bien autre brigandage. On me demande pour le Rhin vingt bataillons. Si cela s’exécute, je quitte. Je veux bien mourir avec vous, mais non vous défendre sans troupes. »

Cette lettre fut portée à Nîmes par un lieutenant-colonel, M. de Cascaradec, qui avait ordre de se tenir à la disposition du directoire du département du Gard. Déjà les généraux de Chateauneuf-Randon et d’Albignac s’étaient mis en route, l’un se dirigeant sur Privas, l’autre sur Joyeuse. Le premier passa par Vienne, d’où il expédia quatre-vingts dragons au Puy, pour aider à la défense de cette ville si elle était attaquée. Il fit arrêter à Pierrelate le régiment de La Fare, qu’il y rencontra se portant vers l’armée du Midi et qui dut se rendre à la citadelle du Pont-Saint-Esprit. Le second ne fit que traverser cette ville, y prit les gardes nationales du Gard qui s’y trouvaient, sous les ordres de deux des administrateurs de ce département et se dirigea vers Saint-Ambroix, où le rejoignit le lieutenant-colonel de Cascaradec, qui amenait de son côté la légion d’Alais.

A Saint-Ambroix, le général d’Albignac dut faire halte.

Entre cette ville et Joyeuse, où le directoire de l’Ardèche se