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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/379

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tenait en permanence, s’étend la vallée de Jalès, dans laquelle il n’osa s’aventurer, ignorant l’importance de l’armée insurrectionnelle. « Il s’agit, écrivait-il alors, de frapper un grand coup et de le faire promptement. Mais, pour cela, il faut nécessairement connaître nos forces. » Laissant sa troupe à Saint-Ambroix, il gagna Joyeuse en faisant un long détour. Il voulait se concerter avec le directoire de l’Ardèche. Quand il arriva à Joyeuse, il trouva la population et les gardes nationales rassemblées en cet endroit et aux Vans en proie au plus grand trouble. Depuis l’avant-veille, la garnison du château de Bannes avait capitulé, et cette place était au pouvoir du comte de Saillans.

Comment cela s’était-il fait?

Nous avons laissé le chevalier de Melon devant le château de Bannes avec une poignée de partisans. Le 5 juillet, le comte de Saillans était venu l’y rejoindre, et, comme nous l’avons dit, le capitaine de Bois-Bertrand, sommé de rendre le poste, avait répondu par un refus. Sans se laisser rebuter, le comte de Saillans, après être en vain revenu à la charge, fit savoir au capitaine qu’il désirait l’entretenir un moment. « Je parlerais à M. de Saillans avec plaisir, objecta le chef de l’armée patriote; mais je ne pourrais le faire qu’en présence de ma troupe ; il peut venir ; je réponds sur mon honneur qu’il ne lui arrivera rien. » Le comte de Saillans déclina cette offre. Un des officiers assiégés, le lieutenant Roger, proposa alors à son chef d’aller faire connaître au commandant royaliste les volontés de la garnison. Le capitaine de Bois-Bertrand y consentit.

Arrêté avec force insultes par le premier poste qu’il trouva sur son chemin, Roger fut cependant autorisé à rejoindre le comte de Saillans, qui l’attendait près de l’église de Bannes. Il lui déclara d’abord que le château ne se rendrait pas; il se plaignit ensuite des mauvais traitemens dont il venait d’être l’objet, malgré la parole donnée, sur la foi de laquelle il avait consenti à cette entrevue. Le comte de Saillans s’excusa de son mieux, et quand, après d’inutiles pourparlers, le lieutenant Roger exprima le désir de se retirer, il le fit accompagner par quatre officiers chargés de le protéger, après lui avoir annoncé toutefois qu’il se rendrait maître du château par escalade.

Que se passa-t-il alors dans l’esprit du capitaine de Bois-Bertrand? Les insurgés lui avaient pris ses chevaux, qui se trouvaient dispersés chez divers habitans du village ; en dépit des approvisionnemens que lui envoyaient Bannes et Berrias, il pouvait craindre de manquer de vivres. Dans toutes les communes des environs, le tocsin sonnait. Il ignorait l’importance des effectifs employés contre lui. Il perdit tout sang-froid, oublia que le directoire départemental, mis par ses avis au courant des risques qu’il courait, ne pouvait