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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/393

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auteurs de ces grands crimes avaient disparu. Il est à noter qu’à Alais pas plus qu’aux Vans et à Joyeuse, on n’osa les poursuivre ni même commencer une instruction pour les découvrir. C’est qu’il y avait alors deux justices. Les patriotes pouvaient être impunément criminels. Il n’en était pas de même des royalistes. On le vit bien après leur défaite, à la rigueur des vengeances exercées contre eux. On avait incendié Saint-André-de-Cruzières, diverses maisons de Berrias, le château de Jalès ; on incendiait maintenant celui de Bannes. Le général de Chateauneuf-Randon expédiait ses meilleurs soldats à Chambonas pour arrêter Claude Allier. Mais, celui-ci ayant disparu, il fallut se contenter de fouiller du haut en bas le presbytère, où l’on découvrit au fond d’une cachette pratiquée dans le mur la correspondance et les papiers du prieur, qui allaient permettre de reconstituer la conspiration de son origine à son dénoûment.

Les représailles que nous avons racontées indignèrent les cœurs honnêtes. Elles arrachèrent au général de Montesquiou une éloquente protestation. « En vous félicitant de vos succès, écrivait-il le 16 Juillet de Bourgoin au directoire de l’Ardèche, j’éprouve une vraie douleur, en apprenant la manière dont M. de Saillans a expié ses forfaits. C’est un assassinat qu’on a commis au lieu d’un grand exemple qu’on aurait donné. Le peuple n’apprendra-t-il donc jamais à laisser aux lois le soin de sa vengeance? » Dans une lettre au général d’Albignac, il revenait avec plus de force sur cette idée. « Je suis bien fâché que votre victoire ait été cruelle, disait-il. Il eût été superbe de livrer les coupables aux lois. A présent que les têtes les plus importantes sont abattue, je vous exhorte à arrêter, s’il est possible, le cours des vengeances. Je sais que ce n’est pas une entreprise facile, mais je sais aussi qu’elle est digne de votre vertu. Qu’une proclamation du moins rappelle le règne de la loi, sans laquelle i! n’y a point de liberté. » Les commissaires de la Lozère, appelés de leur côté à apprécier les événemens, s’exprimaient en ces termes : « L’humanité souffre au moment où l’on reçoit de pareilles nouvelles et les vrais amis de la liberté seraient affligés qu’elle eût été violée dans toutes ces exécutions militaires. Quels que soient les coupables, il faut que les règles soient observées à leur égard. Mais enfin, la tranquillité va se rétablir, la chose publique ne court plus de dangers dans cette contrée, et nous nous arrêtons à cette idée avec complaisance pour perdre de vue les scènes désagréables qui pourraient troubler notre joie. »

Ces extraits de la correspondance officielle contiennent, à ce qu’il nous semble, des aveux qui méritaient de dénouer le récit de ces journées sanglantes. A l’heure où les assassins recevaient pour