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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/402

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aux îles Sandwich. Au-delà, il n’y avait plus rien que le continent américain ; les vents contraires opposaient une barrière à leurs frêles embarcations.

Ainsi, d’une part, un vaste courant qui poussa, au XIIe siècle, les Tartares Mongols de l’est à l’ouest, et un courant en sens inverse qui se dirige de l’ouest à l’est. Le premier envahit l’Europe, le seconde inonda les Indes et refoula la population sur l’Océanie. Il y aurait une étude curieuse à faire sur ce double mouvement dont l’impulsion subsiste encore aujourd’hui, sur cette marche plus lente, mais constante, qui entraîne l’Europe vers l’Amérique, l’Amérique vers l’Océanie, le Japon et la Chine; puis, en sens inverse, on pourrait suivre les étapes successives du Chinois, qui envahit peu à peu l’Océanie, peuple une partie de la Californie, franchit la Sierra-Nevada, et dont l’avant-garde vient enfin s’implanter à New-York, Boston, Cincinnati, en dépit des efforts de la législation et des haines de race.

La théogonie tahitienne n’offre qu’un médiocre intérêt. Nous y retrouvons, comme dans toutes les îles de l’Océanie, le pouvoir absolu du chef confirmé ou tenu en échec par le pouvoir théocratique représenté par un grand-prêtre, sacrificateur, devin et prophète. Çà et là quelques légendes curieuses, telle que celle de Hanai, demi-dieu, sorte d’Hercule auquel on attribue des travaux gigantesques. A l’aide d’une ligne, il fit surgir de l’Océan les îles Gambier et les îles Marquises. Nouveau Josué, il contraignit le soleil à s’arrêter sur Tahiti, le saisit par un de ses rayons et l’attacha à un arbre au moment où il se levait à l’horizon.

Les premiers documens sérieux que nous possédons sur Tahiti sont dus au célèbre circumnavigateur anglais, Cook, qui relâcha quatre fois dans cette île, en 1769, 1773, 1774 et 1777. Trois chefs absolus se disputaient le pouvoir. Il finit par échoir entre les mains de l’un d’eux qui fit proclamer roi son neveu, Otuu, se réservant la régence (1770).

Otuu fut le chef et le fondateur de la dynastie actuelle. Parti en expédition une nuit, surpris par le froid, il contracta une bronchite dont il guérit partiellement, tout en conservant une toux opiniâtre. En souvenir de cette campagne, ses courtisans l’appelèrent Po-maré, la nuit de la toux. Otuu adopta ce sobriquet, qui devint le nom de sa dynastie[1].

A la naissance de son fils, Otuu, se conformant aux usages, abdiqua en faveur de son héritier, qu’il fit reconnaître sous le nom de Pomaré II, et continua à exercer le pouvoir en qualité de régent. Son fils et lui accueillirent avec faveur les missionnaires anglais et

  1. G. Cuzent, Tahiti, p. 48.