incontestables des chefs ou du roi, ils opposèrent une résistance sourde à l’admission des missionnaires catholiques, et quand la force eut triomphé de cette résistance, ils luttèrent avec énergie pour entraver une propagande active.
On a souvent agité la question de savoir si la rivalité religieuse n’a pas eu pour résultat d’aviver la foi et de hâter la conversion au christianisme des peuples de l’Océanie. Témoin pendant quatorze années de ces luttes, nous dirons en toute sincérité ce qu’il en est. Appelé à prendre une part active, en qualité de ministre dirigeant, dans le gouvernement de l’archipel le plus important de l’Océanie, de celui où ces luttes ont eu le champ le plus vaste, nous exposerons le résultat de notre expérience et de nos observations. Cela nous sera d’autant plus facile que nous comptions dans les deux camps des amis sérieux, des hommes dont le zèle et la foi nous ont laissé des souvenirs d’estime et d’admiration.
Les Kanaques sont facilement accessibles aux idées religieuses. Isolés pendant des siècles du reste du monde, perdus au centre de l’Océanie, face à face avec les plus terribles phénomènes physiques dont leur ignorance leur cachait les lois, sur ces terres vierges d’une admirable beauté, sous ce climat incomparable, ils créèrent de toutes pièces une théogonie cruelle et barbare. Comparativement simples au début, leurs rites religieux n’offrirent bientôt plus qu’un mélange confus de pratiques bizarres dont la signification se perdait dans la nuit du passé. Des dieux tyranniques et capricieux gouvernaient sans merci une population sans règle morale. La terreur tenait lieu de foi. Des cérémonies sanguinaires, des restrictions imposées par les chefs et les prêtres au gré de leur fantaisie, formaient un ensemble religieux qui ne reposait que sur l’aveugle superstition du peuple et le despotisme non moins aveugle de ceux qui le gouvernaient. Les Kanaques croyaient à une autre vie, si c’est y croire que de redouter un pouvoir toujours malfaisant attribué aux morts.
Un Dieu naissait de chacune de leurs frayeurs. La déesse des volcans engloutissait leurs villages, dévorait leurs récoltes, semait sur son passage la stérilité et la mort. On retrouve dans leurs traditions des notions vagues de la création du monde, d’un déluge, mais ils n’avaient ni la croyance simple et nette des Indiens de l’Amérique à l’existence d’un grand Esprit, maître souverain des deux et de la terre, ni l’idée païenne d’un dieu, maître des dieux, trônant, comme le Jupiter antique, dans l’Olympe soumis à ses lois. Aucune idée philosophique ne se dégageait da chaos informe de leurs superstitions.
A Tahiti, la secte odieuse et grotesque des Arreoys protestait à