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III.

En 1866, l’auteur de ces lignes reçut une intéressante communication du gouverneur de nos établissemens dans l’Océanie. Frappé des progrès rapides da commerce et de l’agriculture aux îles Sandwich, le gouverneur nous écrivit pour nous demander de le renseigner sur les mesures prises par nous. A huit cents lieues de distance, tous deux, compatriotes, appelés à gouverner des populations de même race, sous des climats identiques, nous pouvions et nous devions nous prêter un mutuel concours. Il se heurtait aux difficultés que nous avions rencontrées au début; mais alors qu’aux îles Sandwich nous entrions dans une voie de prospérité commerciale, à Tahiti tout languissait. L’immigration était nulle, les bras manquaient aux plantations péniblement fondées, les capitaux faisaient défaut, et les efforts les plus persévérans aboutissaient à des résultats nuls. L’examen auquel nous dûmes nous livrer alors nous permit de constater les causes d’infériorité et d’impuissance qui pesaient et pèsent encore lourdement sur notre colonie. En les signalant ici, non pas au nom de théories préconçues, mais au nom d’une expérience acquise par quatorze ans de travail, d’études et de tâtonnemens, nous pensons faire œuvre utile. Pourquoi les moyens qui ont porté si haut la prospérité des îles Sandwich, rétabli leurs finances, créé un mouvement commercial, agricole et maritime important, attiré l’émigration, seraient-ils inefficaces dans nos archipels du Sud? La race est la même, le sol est le même, mêmes aussi le climat et les productions.

Le budget des recettes et des dépenses de Tahiti se soldait en 1879 par un chiffre de 900,000 francs. Ce chiffre est presque décuplé aux Sandwich. L’exportation de sucre atteint à peine 20,000 fr., elle dépasse 8 millions à Honolulu. On compte dans l’île de Tahiti trois usines à sucre et deux machines à égrener le coton ; aux Sandwich, il y en a plus de cent, et nombre de plantations sucrières donnent un bénéfice net de 200 à 300,000 francs par année. Et cependant, aux îles Sandwich, le gouvernement local a dû tout faire par lui-même, résister aux convoitises américaines, maintenir son indépendance, éviter de donner prise par une mauvaise administration à des plaintes, à des conflits qui mettaient en danger l’autonomie; pour cela, assurer la sécurité des biens et des personnes, créer une police, une armée, une magistrature, encourir de grosses dépenses, tandis qu’à Tahiti, le protectorat résolvait toutes ces questions, assurait ces services et permettait de faire