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sujets, le général lui apprit que, sur la requête de citoyens américains, Bagdad venait d’être régulièrement occupé par le régiment du colonel White. Il ne s’agissait que de maintenir l’ordre, et le choix du colonel White était excellent. Le général Clarke ne faisait point, en outre, difficulté de dire que cette occupation de Bagdad lui était désagréable et que les Américains s’en iraient avec plaisir si une force impérialiste suffisante voulait prendre leur place. Il n’y en avait pas moins, cette fois, une flagrante violation de la neutralité, car, à la rigueur, l’invasion désordonnée des noirs pouvait s’appeler un accident. Le capitaine Delaplanche n’hésita pas à le déclarer au général Clarke et, se voyant éconduit par d’évasives réponses, il n’insista plus sur l’objet particulier de sa mission, protesta par écrit et revint en toute hâte à Vera-Cruz prévenir le commandant Cloué.

Celui-ci était déjà instruit de l’incident et croyait que le Tartare lui apportait la nouvelle de la prise de Matamoros. Il fut tenté de le renvoyer, mais ce bâtiment avait un besoin urgent de réparations et alla pour quelques jours à la Havane. L’Adonis partit pour le Rio-Grande avec les mêmes instructions que le Tartare. Il portait en même temps au général Mejia une dépêche qui était un ordre de se dessaisir des marins de l’Antonia. Il devait trouver en arrivant toutes les difficultés aplanies. Bagdad venait d’être rendu aux impériaux de la façon la plus simple. Au premier bruit de son occupation par le colonel White, le colonel autrichien Kodolich s’était offert au général Mejia pour aller demander des explications au général Weitzel. Celui-ci avait prétendu, loin que la neutralité fût violée, n’avoir occupé Bagdad que sur la demande formelle et écrite du général dissident Escobedo, qui ne se sentait pas assez fort pour protéger les personnes et les propriétés de Bagdad. C’était, à peu de chose près, ce qu’avait dit le général Clarke au capitaine Delaplanche. Il avait montré la lettre d’Escobedo au colonel Kodolich en ajoutant qu’il était prêt à rendre la place à une troupe régulière impérialiste, ne fût-elle que de vingt-cinq hommes. Le colonel Kodolich, ayant rendu compte de sa mission à Mejia, avait reçu le commandement d’un petit corps expéditionnaire dont faisaient partie les marins de la Tisiphone et s’était transporté avec deux vapeurs de Matamoros à Bagdad, dont il avait repris possession au nom de l’empereur, le 25 janvier. Les Américains évacuaient Bagdad au moment où les impériaux quittaient Matamoros. Les eaux étant basses, le trajet des deux vapeurs, par suite d’échouages successifs, avait été long. Les libéraux en avaient profité pour faire le pillage de Bagdad et n’avaient repassé sur l’autre rive qu’une demi-heure avant l’arrivée de la troupe du colonel Kodolich.