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toujours nous être décidément hostiles et dont quelques-uns même avaient affiché leurs sympathies pour nous. Le maréchal crut trouver un moyen terme dans une opération contre Tlacotalpam. Située sur la rivière d’Alvarado, non loin de Tuxtla, surveillant le cours supérieur de la rivière et de ses affluens, interceptant la contrebande si active de l’intérieur entre la province de Vera-Cruz et le Tabasco, Tlacotalpam était, entre nos mains, la véritable sentinelle avancée de notre domination au midi. Nous montrions aux Tabasqueños de quoi nous étions capables et recouvrions à leurs yeux le prestige quelque peu perdu de nos armes. Ils sauraient alors, en face de la diminution de leurs ressources et serrés par notre voisinage, s’il était convenable pour eux de nous braver plus longtemps.

Dès le mois de décembre, le maréchal avait demandé au commandant Cloué quelles forces la marine pourrait mettre à sa disposition. Le commandant avait proposé de faire remonter à Tlacotalpam la canonnière la Tempête, en station à Alvarado, la Pique, la Tactique, qui eussent porté deux cents hommes de débarquement avec trois ou quatre pièces de 4 rayées sur affût de campagne et les deux chaloupes à vapeur de Vera-Cruz armées d’un canon de 4. Mais autant, l’année précédente et sans relâche depuis lors, le commandant Cloué avait témoigné d’ardeur et d’initiative pour l’expédition de Tabasco, autant il se montrait peu enclin à celle de Tlacotalpam. Il s’agissait, en effet, de savoir ce qu’on ferait de Tlacotalpam. C’était la quatrième fois qu’on allait le prendre. En 1862, après s’en être emparé, on l’avait évacué deux fois par suite de l’impossibilité de se procurer des vivres, les habitans ayant abandonné le pays. En 1864, sur la promesse d’une protection efficace de notre part, les habitans étaient restés, mais la garnison laissée par le commandant Maréchal était retranchée sur la place de l’Ayuntamiento, dont un côté est formé par le bord de la rivière, et elle y avait été assiégée jour et nuit. Au bout de vingt-huit jours de cette occupation trop peu sérieuse, on s’était rembarqué, et les habitans avaient eu à souffrir des vengeances des dissidens. Si, cette fois, on n’avait que l’intention de prendre la ville sans la garder, les habitans, pensant que nous les abandonnerions encore, ne nous verraient venir que d’un très mauvais œil; puis, à quoi bon cette expédition nouvelle sans lendemain, sinon à constater une fois de plus notre impuissance? Le commandant Cloué, consulté par le maréchal, allait dire son avis avec sa franchise ordinaire. Il devait se concerter pour l’expédition qui se faisait à la fois par terre et par mer avec le commandant supérieur de Vera-Cruz, le chef de bataillon Kmarec. Tous deux s’éclairèrent de l’opinion de M. Gaude, capitaine de la Tempête, en station à Alvarado