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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/438

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faite en plein jour, avait achevé d’éloigner les libéraux, du moins pour quelque temps.

Ces petits succès étaient loin de répondre à l’impatience du maréchal et n’assuraient pas davantage notre domination. Le maréchal écrivait au commandant Cloué qu’il lui donnait quinze jours pour purger et organiser le pays. Il ne songeait pas que l’ennemi était insaisissable, qu’il s’éloignait quand nous allions à lui et revenait quand nous n’étions plus là, qu’il avait de la patience et attendait. La population se défiait et nous fuyait comme si nous eussions eu la lèpre. On ne voulait se prêter à rien. C’était la résistance d’inertie la plus complète. Encore si nous eussions dû rester! Mais on savait que nous partirions, et on se doutait que la troupe de Camacho ne tiendrait pas et déserterait. Aussi était-il impossible de constituer une municipalité. Les Mexicains, qu’on avait convoqués, n’étaient pas venus et avaient fait répondre au commandant qu’ils se compromettraient rien qu’en l’écoutant. Des trois employés des douanes qu’on avait nommés d’office, l’un avait refusé sous le prétexte que sa mère était malade, les deux autres étaient venus et repartis par le vapeur de Vera-Cruz. Ils avaient cédé à de secrètes et très sérieuses menaces. Le colonel Camacho était très honnête et très brave, mais humilié de son dénûment et frappé de cette excessive et silencieuse opposition que nous avions en face de nous. Il venait d’offrir sa démission au ministre de la guerre si on ne lui envoyait tout ce dont il avait besoin. Quant aux hommes de son bataillon, ils avaient une peur extraordinaire du climat et continuaient de disparaître. On était obligé de les faire garder par des Égyptiens, ce qui ne pouvait durer longtemps, car il viendrait un jour où les Égyptiens devraient partir pour retourner à leur ancien poste sur la route de Vera-Cruz à Cordova. Pourtant, et c’était là le fait d’obscurs meneurs qui correspondaient peut-être à Mexico avec l’entourage du maréchal, le bruit courait que quelques-uns des chefs libéraux, tels que Garcia et Gomez, avaient l’intention de quitter leur parti pour la cause impériale. Le commandant leur eût fait un pont d’or. On disait aussi, pour pallier la désertion de la troupe de Camacho, que cela arrivait à toute troupe mexicaine dépaysée et venant des hautes terres, que d’ailleurs on désertait également chez les libéraux. Mais les libéraux, qui ne se gênaient pas, levaient de force de nouveaux soldats, de sorte que la victoire resterait, sans doute après noire départ et peut-être sans combat, au chef dont la troupe déserterait le plus lentement. Or, ce ne semblait pas devoir être le bataillon Camacho qui se regardait comme envoyé à Tlacotalpam pour y mourir de la fièvre. L’ennemi était malheureusement si bien fait à notre façon d’agir qu’aussitôt