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terre et par eau étaient interceptées. Tlacotalpam, qui fournissait autrefois le maïs à Alvarado et à Vera-Cruz, le recevait au contraire de ces deux villes, avec d’autres denrées, mais en quantités très faibles et à des prix exorbitans. Le colonel Figuerero, moins confiant que Camacho, vint demander au commandant Cloué, la veille de son départ, la permission d’aller à Vera-Cruz pour affaires. Cette permission ayant été refusée sous prétexte que le départ de nos troupes rendait précisément sa présence nécessaire à Tlacotalpam, le colonel expédia du moins, sauf à les suivre, à la première occasion qui s’offrirait, sa selle argentée et ses objets précieux. En résumé, les seules forces réelles que le commandant Cloué laissait au colonel Camacho étaient les canonnières, la Tempête, la Pique, la Diligente et la chaloupe à vapeur l’Augustine, qui devaient, par Alvarado le ravitailler et le maintenir en communication avec la mer. Après avoir donné pour instructions à ces bâtimens d’être en garde contre les pièges qu’on ne manquerait pas de leur tendre, le commandant Cloué partit de Tlacotalpam, le 24 avril, sur le petit vapeur Vera-Cruz, pour rejoindre le Magellan.

Cette expédition avortée allait avoir ses conséquences fâcheuses. L’expédition que le Yucatan, dans un premier entraînement, avait préparée contre le Tabasco, retardée tout d’abord, n’allait plus avoir lieu. De leur côté, les dissidens qui s’étaient disposés à la résistance, allaient probablement, pour utiliser leurs dépenses et leurs préparatifs, s’emparer de Jonuta, dont la garnison désertait journellement à l’ennemi avec armes et bagages. En quelques jours, il était parti vingt-huit hommes. Ces déserteurs, sollicités par de fortes primes d’un certain chef de bande Brito, autrefois commandant à Champoton, allaient grossir ses rangs. La perte de Jonuta pouvait entraîner celle de Palizada et amener la ruine du commerce de Carmen. Si on avait à reprendre Jonuta, ce serait pour la quatrième fois depuis le commencement de la guerre. A Carmen, soit par infatuation naturelle, soit par suite de nos échecs, l’autorité militaire mexicaine refusait de s’entendre avec les capitaines de nos bâtimens. Le préfet politique, ne sachant que devenir avec les hommes et le matériel qu’on lui avait envoyés en vue d’une expédition sur Tabasco, était enclin à s’en défaire bien plus qu’à les garder et avait envoyé une goélette à Vera-Cruz pour y prendre des ordres et surtout de l’argent, les caisses de Carmen étant, selon ce qu’arrive en pareils cas, complètement vides.

En face de ces trahisons ouvertes ou cachées, de ces faiblesses perfides, de cette hésitation générale et du peu de foi qu’on avait en l’avenir de notre cause, nous ne pouvions que nous tenir en garde contre les menées secrètes, demander à Mexico la destitution des traîtres, encourager ceux qui nous demeuraient fidèles ou qui n’étaient