encore qu’indécis. Mais il y avait aussi, de notre part, à cause de ces luttes stériles, de ces tergiversations, une tendance à tout lâcher à livrer à eux-mêmes les Mexicains, qui ne faisaient rien pour consolider l’empire qu’ils s’étaient donné. Nous ne pensions pas assez que nous le leur avions plutôt imposé et qu’avec plus de suite dans les idées et dans l’énergie des efforts du chef qui nous commandait, nous eussions pu à l’heure favorable, avec l’appui sincère de ces mêmes Mexicains qui nous irritaient et nous fatiguaient aujourd’hui, fonder d’une façon durable pour l’avenir cet empire que nous n’avions qu’échafaudé à nos risques et périls. Le colonel Camacho prouvait alors, par sa belle défense de Tlacotalpam, ce que l’on pouvait attendre de certains hommes au Mexique. Deux jours à peine, après le départ des troupes françaises, l’ennemi s’était campé dans les bois autour de la ville et tirait de là des coups de fusil. Il s’était embusqué pareillement au Conejo et au Midero, qui, bien que détruits comme fortifications, offraient un abri sûr de 200 mètres de broussailles. Pour être maître de ces hautes terres, il faut avoir le pays qui est derrière, et nous ne l’avions pas pris. Les libéraux fusillaient impunément de là tous les navires qui passaient. Aussi aucun bâtiment à voiles ne voulait plus remonter la rivière. Les deux seuls petits bâtimens à vapeur qui s’étaient hasardés jusque-là à faire le trajet d’Alvarado à Tlacotalpam refusaient de continuer parce qu’ils s’étaient vus criblés de balles malgré l’escorte d’une canonnière. D’ailleurs Tlacotalpam, où il n’y avait plus de commerce possible, était désert. Malgré les ordres du maréchal et les réclamations du commandant Cloué, la troupe de Camacho était dans le même dénûment qu’à son arrivée. C’était à croire l’autorité civile de Vera-Cruz de connivence avec Garcia et les dissidens de la rivière d’Alvarado. Du 24 avril au milieu de mai, l’ennemi n’avait cessé de se renforcer et faisait des attaques partielles toutes les nuits pour harceler la garnison, la tenir sur pied et l’épuiser de fatigue. Les quatre officiers qui étaient avec Camacho se montraient pleins de zèle et d’activité, mais il leur fallait être tout pour leurs troupes, officiers, sergens instructeurs. On ne s’en battait pas moins. Ce qui rendait surtout critique la situation du colonel, c’est que nos trois canonnières ne pouvaient prolonger longtemps leur séjour dans le haut de la rivière. Les équipages n’y eussent pas résisté; ils avaient déjà 38 degrés de chaleur à l’ombre sur le pont, et étaient atteints par les fièvres. Il fallait de plus blinder les canonnières, qui perdaient de temps en temps un homme, tué ou blessé, au passage du Conejo. Mais la maladie était plus inquiétante que le feu. Le dénûment des soldats ne changeait pas. Le ministre de la guerre, comme seul secours, avait répondu au colonel Camacho de recruter ses sergens et ses caporaux à Tlacotalpam. Un ministre
Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/442
Apparence