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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/450

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d’où elle s’embarquait sur le paquebot de Saint-Nazaire. Dès la veille, afin qu’aucun incident ne vînt retarder l’embarquement de l’impératrice, le commandant Peyron, chargé du service maritime français à terre, avait fait appeler le capitaine du port mexicain et lui avait demandé s’il avait un canot pour sa majesté. Il n’en avait pas. — S’il avait des hommes? Pas davantage. Le commandant Peyron dit alors qu’il fournirait le canot et les hommes, mais que le pavillon français flotterait à l’arrière et le pavillon mexicain devant. Le 15 juillet, sa majesté, qui avait déjeuné à Paseo del Macho, n’arriva à Vera-Cruz qu’à deux heures. Elle descendit du chemin de fer et se dirigeait vers le môle pour s’embarquer, lorsqu’elle s’arrêta tout à coup et entra dans le bureau français de la direction du port, où elle fit appeler le général Marin, préfet maritime mexicain. Le général sortit bientôt très pâle et très ému et vint dire au commandant Cloué que sa majesté faisait des difficultés à cause du pavillon. Il pouvait en coûter en effet, à l’impératrice du Mexique, de ne point même quitter sous son pavillon impérial ce sol où elle avait régné, où elle régnait encore. Le commandant Cloué voulut entrer chez l’impératrice pour lui expliquer ce qui s’était passé, mais le général Marin, qui avait peut-être accusé la marine française d’avoir tout voulu prendre sur elle, le supplia de n’en rien faire. On échangea naturellement ce pavillon de poupe contre un pavillon mexicain, et l’impératrice s’embarqua immédiatement. La foule était compacte. Les marins formaient la haie. Le silence le plus complet régnait. Il ne fut pas poussé un seul vivat. C’est à peine si quelques chapeaux se soulevèrent. Une voix essaya de crier : « Vive l’impératrice! » Personne ne lui répondit, bien que le môle fût couvert d’autant de monde qu’il en pouvait contenir. Sa majesté paraissait douloureusement impressionnée. Pendant le trajet du môle au paquebot, le canon du Magellan à Sacrificios et les cris de : « Vive l’empereur ! » que les matelots de la Pique, mouillée près du fort, poussèrent de la mâture, réussirent à distraire un instant l’impératrice. Arrivée au paquebot, elle garda un quart d’heure auprès d’elle le commandant Cloué, et le congédia en lui annonçant qu’elle serait de retour dans trois mois. A cinq heures du soir, le paquebot partait pour l’Europe.

L’attitude de la population de Vera-Cruz dans cette circonstance révélait assez ses dispositions intimes. Il s’organisait en ville, et presque ouvertement, un complot pour piller la caisse de la douane, enlever les personnes de marque et égorger les employés français. Ce complot fut découvert par un sous-officier de la contre-guérilla qui avait été admis sans difficultés à y participer. Les conspirateurs, au nombre de quarante, ou cinquante se réunissaient dans une maison en face du théâtre. C’était là que demeurait leur chef, un