échangée pour moi la présentation officielle. « Vous ne pourrez pas voir le chancelier, dit-il ; son Excellence est mandée chez le roi et vient de partir. » Alors moi : « A quel moment pourrai-je avoir l’espérance d’entretenir M. de Bismarck ? » Avec un ton brusque et désagréable, une attitude presque violente, bien différente des égards que j’avais constatés jusqu’à ce moment, on répondit : « Vous n’avez pas besoin d’attendre ; vous ne verrez pas son Excellence, ni maintenant, ni plus tard. » J’expliquai l’urgence d’une conférence sur un fait de consigne. « Cela n’est rien, fut-il répondu, cela n’est rien. » Et brutalement : « Vous allez voir des choses plus sérieuses. — Quoi donc alors? qu’y a-t-il? — Vous le savez très bien. — Je ne comprends pas. — Votre gouvernement sait à merveille qu’il se moque de nous ! Il veut la guerre et l’aura. — Je comprends moins encore ! — Prétendez-vous que vous ne connaissez pas les déclarations de Gambetta sur les élections? — Je ne sais ce que vous voulez dire. — C’est impossible; allons-donc! vous voulez remplacer les élections libres par des élections commandées; vous vous jouez des conditions de l’armistice. — Monsieur, je vous affirme sur l’honneur que je ne comprends pas. — Ainsi vous ne connaissez pas la décision de Gambetta sur l’exclusion prononcée contre tous les hommes qui ont fait partie des conseils et des assemblées des gouvernemens antérieurs à 1870? — Je ne sais rien de tel. — Attendez alors : je vais vous montrer sa proclamation qu’il serait étrange que vous n’eussiez pas reçue. — Je demande en effet à la voir, car je répète que je ne comprends pas. Le gouvernement n’a reçu aucune proclamation, aucune nouvelle du gouvernement de Bordeaux[1]. »
Notre interlocuteur sortit. Le comte d’Armaillé, aussi étonné que moi, devint directement l’objet d’une interpellation à la rentrée de l’attaché de la chancellerie, qui revenait les mains vides. « Parlez-vous allemand? » lui dit-on. Sur sa réponse affirmative, et la déclaration qu’il était le comte d’Armaillé, capitaine dans l’état-major du général Vinoy, on ajouta: « Nous voudrions entrer directement en communication avec le général Vinoy, que nous connaissons et que nous admirons. » Puis, se tournant vers moi, et en français : « Les pièces que je voulais vous montrer sont parties
- ↑ Le décret de Bordeaux, publié et affiché avec une proclamation de M. Gambetta, n’avait pas été communiqué au gouvernement de Paris; il frappait d’inéligibilité : 1° les individus qui, depuis le 1er décembre 1851 jusqu’au 4 septembre 1870, ont accepté les fonctions de ministre, de sénateur, de conseiller d’état et de préfet; 2° les individus qui, aux assemblées législatives qui ont eu lieu depuis le 2 décembre 1851 jusqu’au 4 septembre 1870, ont accepté la candidature officielle, er. dont les noms ont figuré au Moniteur officiel, avec la mention de candidats du gouvernement, candidats officiels de l’administration.