nombreux. Cependant, même dans ce cas, vous me pouvez dire d’avance ce que l’amour des os fera faire à ce chien, sinon il ne resterait plus un seul os chez les bouchers. Si prédire ce qui doit arriver est le propre de toute science, on peut affirmer qu’il est impossible d’en établir une sur ces bases. Comme le remarque M. Leslie, Adam Smith s’est gardé d’appliquer en ces matières la méthode abstraite et déductive. Sans cesse il invoque l’histoire, et il a même montré sous quels aspects divers se présente la poursuite du bien-être aux différentes époques.
Bacon disait de certains philosophes : « Ils font des lois imaginaires pour d’imaginaires républiques, et leurs discours sont comme les étoiles : ils donnent peu de lumière, parce qu’ils sont trop éloignés de la terre. » Ceci s’applique parfaitement aux partisans de la méthode abstraite. Ils parlent des phénomènes économiques comme s’ils étaient tous le résultat de la volonté libre et du contrat. Ils ne voient pas, ou ils ne disent pas, que ces phénomènes sont déterminés principalement par les lois civiles, par les institutions politiques et même par les croyances religieuses ou philosophiques des différens peuples, des différentes époques et même des différens individus. Il s’ensuit que l’économie politique n’apporte réellement des enseignemens que quand, sortant de ce petit bréviaire de formules abstraites et de truisms dont on veut faire toute la science, elle se place sur le terrain de l’histoire et des faits actuels. Voilà, par exemple, la question sociale qui se présente à nous avec ses inextricables difficultés et ses effrayantes perspectives.. Sera-t-on bien avancé en invoquant la loi de l’offre et de la demande et le mot d’ordre sacramentel : Laissez faire, laissez passer ? Avec la liberté, tout se règle pour le mieux, dit-on ; le monde va dansé. Sans doute tout finit par s’arranger de quelque façon, mais c’est tantôt par l’égorgement des uns, tantôt par l’asservissement des autres. La situation économique en Europe, non plus que dans le reste du monde, n’est sortie du libre contrat, mais des fatalités historiques et des institutions civiles et politiques. Ces institutions sont-elles conformes à la justice et favorables au progrès des hommes qu’elles régissent, voilà la question réellement intéressante qu’il faudrait étudier et résoudre.
Le savant économiste allemand Roscher a dit : « Tout régime économique repose sur un système juridique qui lui correspond. » L’idée est juste. Nous voyons en effet se produire sous nos yeux une preuve frappante de la vérité de cette observation. Le développement de l’industrie a créé cette colossale fortune mobilière, plus importante déjà, en certain pays, que la fortune foncière, et qui, représentée par des titres au porteur, se fractionne pour ainsi dire par parcelles dans les plus petits portefeuilles, passe de main en