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Inutile de s’occuper des catalogues de botanistes ou pépiniéristes, quant à présent.

Trois systèmes président aux essais d’amélioration :

1° Hybridation de la vigne indigène par les cépages européens. Mince résultat, défaillances, causes d’effroi. Le fruit ne vaut pas son père, la racine n’a pas la solidité maternelle. Résistance douteuse, qualité médiocre.

2° Hybridation des espèces américaines entre elles ; il est clair que là où le labrusca succombe, ses hybrides ne résistent guère[1].

3° Amélioration par sélection et hybridation de sujets de même espèce. Prenant pour sujet l’estivalis, doué de tant de qualités, en cherchant les gros grains, les grosses grappes, en rejetant les grains trop solides et trop secs, on ajoutera à ses qualités natives celles qui lui manquent. — Déjà Jæger et d’autres viticulteurs sérieux ont obtenu en Amérique des résultats assez encourageans pour les engager à continuer leurs travaux.

A côté de cette viticulture ardue, mais très prudente, on a vu surgir en France une nouvelle école que l’on pourrait appeler l’industrie viticole franco-américaine.

C’est à peine si les Français admettent que la vigne française ait vécu. Lorsqu’ils daignent accepter la vigne américaine, ils lui disent : « Tu ne parleras plus ta langue, tu quitteras ta couleur d’un vert trop changeant, tu te transformeras pour nous servir à notre guise, pas à la tienne, oubliant ta nature et ton éducation première. » Comment s’étonner si cette vigne vigoureuse et primesautière s’étiole et périt sous la désastreuse influence d’une taille trop courte et d’un milieu contraire à sa nature !

Cette même prévention contre la vigne étrangère a fait préférer la vigne sauvage d’Amérique, comme porte-greffe, à celles dont les Américains se servent avec la sécurité que donne une longue expérience. Là est un danger tout aussi grand que celui que courrait un Européen débarqué nouvellement au Mexique, s’il préférait le cheval des pampas affublé d’une selle anglaise et d’un mors à bascule, à la monture souple et pittoresquement harnachée de l’haciendero inspectant commodément son troupeau.

En effet, là, gît un grand danger à côté d’une belle espérance. C’est sur cette voie séduisante que je voudrais placer la prudence de M. de Lafitte et lui rendre quelque hardiesse d’initiative. L’accident, cette quantité inconnue qui sans cesse dérange l’équilibre de toutes choses,

  1. Le taylor entre autres, né chez le juge Taylor, Jéricho (Kentucky), hybride de labrusca et riparia, tient plus de ce dernier. Excellent dans les sols légers, riches et profonds. S’il a des défaillances hors de son milieu, il les doit à son origine labrusca, qui lui a créé des besoins inconnus au riparia.