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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/697

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moins sur le taylor, qui craindrait le diluvium alpin, très calcaire par endroits. Mais le jacquez occupera de grands espaces, ainsi que les riparias soigneusement triés par variétés, à l’exclusion des douteuses, qui nuisent à la réputation des autres ; le vialla prendra aussi une large place dans les parties trop calcaires, laissant les terres rouges et chaudes à l’herbemont, — tandis que les solonis, cordifolias, rupestris se joindront à ce dernier pour s’échelonner, selon les sols et altitudes, sur les plateaux de Saint-Antonin[1].

A Châteauneuf-le-Rouge[2], les bords de l’Arc recevront des riparias greffés en variétés françaises.

Si je parle ainsi de mes actes et de mes projets, c’est uniquement pour prouver que je ne dis pas à mes collègues viticulteurs : Allez, mais: Venez, que je leur offre le partage de ce que l’expérience m’a appris, avec d’autant plus de plaisir que cette expérience commence à être appuyée sur des succès réels.

Reprenons maintenant dans l’article de M. Prosper de Lafitte sa théorie sur la résistance. En effet, les vignes résistent toutes plus ou moins. Elles ont cela de commun avec les autres végétaux, qui, selon leur nature et leur milieu, résistent ou succombent devant un même fléau. Nous voilà arrivés à l’adaptation, que M. de Lafitte semble considérer comme une excuse commode et toute prête pour expliquer les insuccès sans nier la résistance. Il me paraît injustement sévère pour ce mot, exprimant une vérité et une action traditionnelle et insensible qui présidait naguère à la répartition des différens cépages français dans la zone qui leur était propice. Chaque variété a une patrie autour de laquelle elle rayonne en diminuant de valeur à mesure qu’elle s’éloigne du point où les circonstances lui permettent d’atteindre son plus haut degré de perfection : l’aramon, dans l’Hérault; la folle-blanche, dans l’Ouest, etc. Il me paraît donc illogique de demander à la vigne américaine, à cette colonie composée de tant de cépages variés, venue de tous les points d’une vaste contrée, transportée dans une cale surchauffée et malsaine, de se répartir avec discernement sur la face d’une terre étrangère sans erreur de latitude, de sol ni d’exposition.

Étant donné, d’une part, cette répartition à laquelle le hasard seul a présidé, de l’autre une légion d’insectes prêts à fondre sur les souffreteux, est-il surprenant que la mortalité soit plus grande que si les malades avaient été éliminés et les bien portans intelligemment placés

[3]

  1. Près Aix en Provence, ancien camp retranche de Marius, plateau élevé entre la montagne de Sainte-Victoire et la plaine de l’Arc, borné de ce côté par le Cengle, barre de rochers formant rempart.
  2. Au pied du Congle, borné par l’Arc, canton de Trets.
  3. Le spiran d’Espagne et l’œillade sont fertiles entre Nîmes et Aigues-Mortes et ne le sont pas dans le même département et dans les mêmes conditions apparentes.