Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/696

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le montagne en s’appelant tour à tour des noms de Beaune, Saint-Georges, Langlade. Si d’ailleurs les grains de l’estivalis sont trop petits et trop secs, une patiente sélection aura raison de ces défauts. Il est vrai encore que sa multiplication est très difficile; il faudra adopter le mode de propagation américain : boutures à un œil, en serres chaudes et tempérées. Je sais par expérience que cette méthode laborieuse et délicate est possible, excellente même dans ses résultats, car un plant, produit de bouture à un œil, est très supérieur à un plant, produit de marcotte ou de bouture à plusieurs yeux. Enfin, cette difficulté de reprise une fois vaincue, l’estivalis nous fournira nos meilleurs porte-greffes. Hier même, pensant déjà à ce que j’écris aujourd’hui, je demandais à un paysan des plus intelligens et des mieux renseignés ce qu’il comptait planter pour lui-même. Il m’a répondu sans hésiter : « Des herbemonts[1] enracinés; je les grefferai la seconde année en bonnes espèces du pays. Si une partie des greffes manque, j’aurai quand même une vigne régulière, car l’herbemont ne périra pas ; j’aurai un revenu régulier augmenté par le plus ou moins de greffes réussies. »

La plan de campagne d’un homme qui y pense toujours, qui depuis six ans est sans cesse courbé sur un sarment, sur une greffe, résume ce que je sais, ce que j’en conclus, ce que j’en espère.

Les estivalis du Sud prospéreront dans la région de l’olivier; ils enrichiront le travailleur après l’avoir nourri.

A côté de cette ligne absolument sûre se placent des essais faits avec les porte-greffes, greffés en espèces françaises. Soyons prudens sur cette route à peine tracée. J’y marche pourtant avec confiance, puisque chez moi, dans les mas de Baguet[2], mes plantations se divisent ainsi qu’il suit :

¬¬¬

Au 1er mai 1880, il existait en taylors 242 hectares
(Principalement jacquez) estivalis 80»
riparias 75»
divers
405 hectares.

Il existera, au 1er mai 1881,60 hectares de plus en jacquez, vialla, riparias, — mais dans un nouveau pays, au Deffends, en Provence[3]. Le changement de sol m’impose plus de prudence que dans les mas de Baguet, où la terre semble prédestinée aux plantations américaines. J’insisterai

  1. Herbemont : le plus répandu des estivalis du Sud, fertile, vigoureux, vin fin et léger.
  2. Canton de Saint-Gilles (Gard).
  3. Canton de Trets (Bouches-du-Rhône).