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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/699

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jour, lorsque je serai plus sûre de mon dire : engrais, cause de dépérissement. Je sais pourtant d’ores et déjà que la fumure, telle qu’elle se pratique en France, est favorable au riparia et au taylor.

J’arrive au point qui me paraît être le plus saillant de la thèse à laquelle je réponds. C’est peut-être pour raconter ce qui se passe dans mon village que je prends la plume, par amour du clocher.

Je cite la phrase en entier : « Ceux qui connaissent ces cépages parce qu’ils en voient semblent les apprécier beaucoup moins que ceux qui les connaissent par ce qu’on en dit ; ainsi l’étranger qui admire ces belles vignes dans les terrains riches de l’Hérault ou du Gard et qui suppute par la pensée ce que rapportera à son heureux propriétaire le sarment d’une seule de ces magnifiques souches se demande avec étonnement pourquoi le voisin qui a toute l’année ce séduisant spectacle sous les yeux en plante lui-même si rarement. »

À ceci je répondrai par des faits, des étendues, des dates. Je prouverai que, si moi, j’ai été assez osée pour planter plus de 450 hectares de vignes en six ans, — pour en préparer autant à planter d’ici à 1884, — j’ai eu et j’ai pour complices mes propres ouvriers et fermiers à mi-fruits, qui soignent mes vignes et les voient d’assez près pour avoir une opinion ; et pourtant ils risquent leur travail, leur temps, leur salaire pour en planter à leurs frais exclusifs à mi-fruits moyennant la jouissance gratuite pendant dix années d’une étendue de terre correspondante à l’étendue plantée. — Il m’en vient tous les ans de nouveaux ; pourtant mes conditions d’indemnité se resserrent chaque année et mes exigences de plantations s’élargissent, vu la confiance croissante dans la reconstitution des vignobles[1]. Si vraiment la vigne américaine résiste fructueusement, comme j’ai tout lieu de l’espérer, j’aurai planté avec joie et orgueil aux avant-postes de la viticulture le drapeau des vignerons de Garons[2]. Mes hardis compagnons de route ne se sont pas arrêtés aux estivalis, — la rareté de ces plants, la difficulté de reprise les eût retardés au début. Je n’avais pas encore une fabrique de plants avec serres chaudes et tempérées, pour le bouturage à un œil, comme je l’ai établie en vertu de ce principe économique qui veut que lorsque, par nécessité, on est acheteur au profit d’autrui, on retourne la situation et devienne vendeur au sien.

Mes premiers colons ont d’abord planté des taylors comme je l’ai fait moi-même à côté de mes nombreux estivalis. Ces premiers essais nous donneront cette année abondance d’œillades[3], de cinsant[4] et de chasselas. Deux ans après j’ai pu leur fournir des riparias. Si réellement

  1. J’ai loué dans ces conditions 223 hectares à 20 colons différens.
  2. Canton de Nîmes (Gard).
  3. Gras raisin noir, précoce, excellent.
  4. Ressemble au précédent, plus précoce, moins parfumé.