politique des résultats et des applications pratiques. En quoi consiste-t-elle donc cette politique nouvelle ? Il faut que désormais les hommes qui ont la mission de faire des lois, de rédiger des règlemens, de mettre en mouvenient des institutions, de constituer des personnels, d’engager de grandes entreprises d’utilité publique, ne se bornent plus à la science du cabinet et aux méditations solitaires ; il faut qu’ils se décident à vérifier constamment et à contrôler leurs idées par l’expérience, qu’ils acceptent cette fréquentation si utile des hommes publics avec les hommes d’affaires. « Et c’est pour cela que je suis ici, disait M. Gambetta dans un des derniers banquets… N’est-il pas vrai que lorsqu’on veut toucher à ces questions de traités de commerce ou de tarifs, il faut entrer en relation avec ceux qui exportent, avec ceux qui produisent, avec ceux qui transportent, avec ceux qui font le négoce dans le monde entier ? N’est-il pas vrai que lorsqu’on veut étudier les effets économiques d’une taxe, d’un impôt sur telle ou telle matière, sur telle ou celle industrie, il faut entrer en rapport avec ceux qui en mesurent tous les jours la portée, qui connaissent les prix de revient, qui se rendent compte des élémens les plus complexes de la production ? etc. » Voilà certes qui est au mieux ! M. le président de la chambre des députés est un homme plein de raison qui sait parler et montrer à quelles conditions on peut diriger utilement les affaires d’un pays sans se jeter « dans les fondrières » ou sans rester « dans les ornières ; » c’est encore un mot de lui bien trouvé. Est-ce là seulement ce qu’il appelle la politique nouvelle, la méthode républicaine ? M. Gambetta croit-il sérieusement avoir découvert tout cela ? En réalité, c’est ce qu’oni fait les politiques de tous les régimes, de toutes les monarchies ; ils faisaient de la politique expérimentale, scientifique sans le savoir. M. Gambetta n’a qu’à interroger son collègue de la chambre, M. Rouher, sur la manière de scruter des tarifs de chemins de fer et de douanes. Il aurait pu, il y a quelques années, demander à M. Thiers comment il avait procédé toute sa vie. M. Thiers lui aurait dit que, dans la retraite comme au pouvoir, il ne passait pas un jour sans questionner un général, un administrateur, nn banquier, un agriculteur, un manufacturier ; il négligerait peut-être un peu les commis-voyageurs et les marchands de vin. Il n’écoutait pas toujours patiemment, il est vrai, et souvent il parlait pour son interlocuteur ; il n’en arrivait pas moins à tout savoir par un prodigieux travail qu’il déguisait sous une facilité charmante. Il y a longtemps qu’on sait en vérité que le meilleur moyen de connaître la politique, c’est de l’étudier sérieusement et pratiquement, de la chercher dans les applications permanentes des lois et des taxes, dans les témoignages de ceux qui sont mêlés aux affaires, comme dans un budget et un état de douane, ces deux livres avec lesquels on peut retrouver tous les ressorts de la puissance financière et commerciale, administrative et militaire d’une nation.
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