un cri de guerre. — D’un autre côté, le président préparait à l’assemblée une surprise, une épreuve qu’il tenait en réserve, la proposition de « rétablissement du suffrage universel » par l’abrogation de la loi du 31 mai. La vérité est que Louis-Napoléon avait laissé faire cette loi, qu’il avait prêté un appui apparent à ceux qui la faisaient, mais qu’il avait toujours gardé l’arrière-pensée de la désavouer lorsqu’il se croirait intéressé à en rejeter l’impopularité sur les parlementaires. « Comment, lui disait une personne de son intimité qui était pour lui une amie de jeunesse, comment, vous l’enfant du suffrage universel, vous approuvez un suffrage restreint — Vous ne comprenez rien à ma tactique, répondait-il ; je perds l’assemblée, — Mais vous vous perdez avec elle ! — Pas le moins du monde. Quand l’assemblée sera penchée sur le précipice, je couperai la corde! » Il croyait sans doute le moment de « couper la corde » venu, — et c’est en quelque sorte la main sur la garde de l’épée qu’il lançait une proposition destinée à précipiter la ruine de l’assemblée en jetant la confusion dans la majorité et en abusant les républicains par un semblant de satisfaction.
Ce qu’il y a d’étrange, c’est que même à cette extrémité, en face d’une pensée qui ne se déguisait plus, qui s’attestait de mille façons, les divisions des partis ne faisaient que s’accuser et s’envenimer à travers tous ces incidens. Elles se manifestaient jusqu’au bout dans cette dernière tentative de résistance décousue qu’on appelait la proposition des questeurs. On croyait répondre aux défis du président et du nouveau ministre de la guerre en revendiquant pour l’assemblée le droit de « veiller à sa sûreté intérieure et extérieure, » de « requérir directement la force armée et toutes les autorités, » de désigner le général chargé de commander les troupes requises pour la défense du palais Bourbon. Cette malheureuse proposition, loin de rallier les partis, les mettait plus que jamais aux prises et ajoutait à la confusion. Les républicains, ombrageux et aveuglés par leurs passions, affectaient de représenter la motion des questeurs comme une représaille de réactionnaires déçus contre l’abandon de la loi du 31 mai. Ils ne voyaient partout que l’intrigue royaliste impatiente de saisir l’occasion, d’avoir son armée et son général pour mettre le président à Vincennes, les républicains en prison, — et le roi aux Tuileries! Ils accusaient les chefs de la majorité de jouer « la comédie de la peur, » pour ériger l’assemblée en « convention blanche. » De l’Elysée ils ne craignaient plus rien, — ils avaient dans tous les cas pour les défendre « la sentinelle invisible, le peuple ! » Vainement M. Thiers s’efforçait de ramener les esprits troublés à la vérité de la situation, il se voyait assailli d’interruptions injurieuses qui couvraient sa voix et il était réduit à s’écrier avec une pathétique émotion : « Dites à