se rattachaient étroitement au passé ; chez les autres, il y avait déjà comme une lueur de 93. La haine de l’ennemi commun les rapprocha ; la croisade contre les jésuites en fit des amis, leur expulsion des complices.
C’est pourquoi nous croyons qu’il faut singulièrement se défier du témoignage de ces hommes. Leur unanimité ne prouve rien ; au contraire, elle est le plus clair indice de leurs communes passions. Et, sans les récuser absolument, — ils ont droit d’être entendus, comme tout le monde, dans la cause, — on peut bien n’accorder à leurs dépositions que la valeur qu’on accorde d’ordinaire aux dires des parties intéressées. Avant comme après l’édit de 1763, ce qui éclate dans les écrits des encyclopédistes et des parlementaires, dans la violence et l’âpreté de leurs jugemens sur l’université, c’est le dessein de poursuivre jusque dans ses derniers retranchemens l’esprit et l’influence jésuitiques. Lisez le mémoire de La Chatolais, lisez-le sans parti-pris, froidement, et vous verrez si vous ne croyez pas encore entendre le fougueux magistrat requérir du haut de son siège l’application des lois du royaume contre les congrégations. Il y a du réquisitoire aussi dans le plan d’éducation de Rolland, dans celui de Guyton de Morveau, comme il y a du pamphlet chez Diderot, chez d’Alembert, chez Helvétius. De modération dans la pensée et de mesure dans l’expression, il ne faut pas en demander à ces derniers ; manifestement, ils ne sont pas de sang-froid. Voyez par exemple de quelle façon sommaire Diderot exécute les collèges : « C’est là qu’on cherche encore aujourd’hui, dit-il, sous le nom de belles-lettres deux langues mortes qui ne sont utiles qu’à un très petit nombre de citoyens ; c’est là qu’on les étudie pendant six ou sept ans sans les apprendre ; que sous le nom de rhétorique on enseigne l’art de parler avant que d’avoir des idées ; que sous le nom de logique on se remplit la tête des subtilités d’Aristote et de sa très sublime et très inutile théorie du syllogisme et qu’on délaie en cent pages obscures ce qu’on pourrait exposer clairement en quatre ; que sous le nom de morale je ne sais ce qu’on dit, mais je sais qu’on ne dit pas un mot ni des qualités de l’esprit, ni des vices, ni des vertus, ni des devoirs, ni des lois, ni des contrats. »[1].
Ailleurs[2] encore : « J’ai passé les premières années de ma vie dans les écoles publiques… et j’y ai vu cinq ou six sujets merveilleux occupés pendant six ou sept ans de l’étude des langues anciennes qu’ils n’ont point apprises. Je les ai vus tous sortir du collège sots, ignorans et corrompus. »