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parisien portées devant le parlement à la veille des vacances de Pâques.

Il fallait en finir avec ces incidens irritans ou inutiles, dira-t-on, et nous ne prétendons pas le contraire ; mieux eût valu encore ne pas commencer, ne pas trop s’arrêter au tapage de quelques passions, de quelques prétentions plus bruyantes que sérieuses. Lorsqu’il y a quelques mois déjà, à la suite de procès retentissans, s’est produite pour la première fois cette proposition de constituer une commission d’enquête parlementaire chargée d’examiner l’administration de M. le général de Cissey, le danger est apparu aussitôt. Il suffisait d’un peu de réflexion pour s’apercevoir que l’autorité parlementaire se trouvait mise en mouvement dans des conditions assez étranges, qu’on instituait un procès sans droit évident, sans raison décisive, sans garanties définies, qu’on ouvrait une issue à toute sorte de délations, d’insinuations outrageantes et qu’on risquait de n’aboutir à rien ou de tomber dans quelque excès de pouvoir. Il suffisait du plus simple sentiment de justice ou même du plus simple sens politique pour comprendre ce qu’il y avait d’extraordinaire à charger quelques hommes, si bien intentionnés qu’ils fussent, de tenir pendant des mois sur la sellette un vieux soldat, ancien ministre, uniquement sur la foi de quelques énergumènes affamés de scandale. C’était exorbitant; mais le torrent des diffamations était tellement déchaîné qu’on n’a pas osé résister, qu’on a accepté l’enquête comme un expédient qui tirait tout le monde d’embarras et qu’une commission du parlement a été nommée pour avoir à rechercher, ni plus ni moins, s’il n’y avait pas eu un général français, un ministre de M. Thiers et de M. le maréchal de Mac-Mahon coupable « de trahison et de concussion. » Assurément, cette situation étant donnée, la commission a fait son œuvre avec autant de zèle que de sincérité, peut-être même avec un sentiment un peu exagéré de sa mission. Elle n’a rien négligé pour découvrir des secrets. Elle a tenu à interroger le ban et l’arrière-ban des témoins, même des femmes de chambre, des hommes de peine et des ouvriers du ministère, sans compter les fournisseurs et les confidens des fournisseurs. Elle s’est prêtée aux investigations les plus répugnantes, les plus pénibles, sans déguiser toujours son dégoût, et M. le général Berge était certainement dans la vérité lorsqu’il a répondu à une interrogation : « Je vous arrête, monsieur le président. Vous allez me demander, comme on me l’a demandé ailleurs, si par hasard le ministre de la guerre n’aurait pas vendu des canons à son tailleur, et à l’accent de votre voix, je comprends le sentiment que vous éprouvez en me posant une question pareille : vous en êtes peiné! » Il y avait bien, en effet, de quoi être « peiné » d’avoir à se débattre pendant trois mois dans une si vilaine atmosphère.

Qu’est-il cependant résulté de tout cela? qu’a-t-on découvert? C’était bien facile à pressentir dès le début. On a recueilli des bruits, de vulgaires